Carcasse de mouton putréfiée : un problème passé sous silence

Il y a bel et bien un problème avec la viande des moutons de sacrifice. Leurs carcasses ont revêtu une couleur verdâtre et émis une odeur nauséabonde un jour ou deux seulement, après la fête de sacrifice célébrée cette année, le 1er septembre. Beaucoup de citoyens se sont plaints notamment, sur les réseaux sociaux de la dégradation de la qualité de la chair. Des dizaines de familles friandes de la viande d’agneau et qui s’endettent souvent, pour acquérir le mouton de l’Aid, ont dû jeter la viande ou au moins se séparer d’une bonne partie de la carcasse de l’animal acquis au prix fort, en raison de sa putréfaction. 
« Plus du quart de mon mouton acheté à 450 dinars, a atterri dans la poubelle. La viande qui a gardé sa fraicheur et couleur habituelle le premier jour, a commencé à changer de couleur et à sentir mauvais le deuxième jour  » affirme Mme Maaloul, 54 ans.
Elle a pris une couleur verdâtre notamment, tout prés des os, ajoute cette mère de famille, qui ne compte plus les moutons que les hommes de sa famille ont dû abattre à chaque fête de sacrifice, sans rencontrer de problèmes de ce genre. 
Pourtant, mon mouton, a été choisi, pesé et examiné par un vétérinaire aux abattoirs relevant de la société Ellouhoum, avant d’être ramené à la maison, ajoute cette dame qui habite à El Agba.
Idem pour Mme Khaoula quinquagénaire qui fait savoir que la viande de son mouton a putréfié le lendemain de l’Aïd, pourtant elle l’a placé au frigo. 
 » C’est la première fois que je suis confronté à un phénomène pareil. Nous fêtons tous les ans, Aid El Idha et nous avons déjà connu à plusieurs reprises un temps caniculaire semblable à cette année, mais c’est la première fois où la viande devienne avariée aussi rapidement » note-t-elle.
Contamination bactérienne, mauvaises manipulations à l’abattage ou bien des méthodes d’engraissement douteuses ou encore des bêtes contaminées par un virus ? toutes les raisons de cette dégradation ont été évoquées par les citoyens, y compris le temps caniculaire qui a marqué les jours de l’Aid, mais aucune structure officielle ou officieuse qu’elle soit le ministère de l’agriculture, l’Institut de nutrition ou même l’Organisation du défense des consommateurs (ODC) et encore moins l’UTAP n’a réagi, les premiers jours de l’Aid, par rapport à ce problème, pour expliquer ou conseiller les consommateurs dont plus de 78% se prêtent à cet exercice, selon une enquête de l’Institut national de la consommation publié en 2016. Et pourtant certaines de ces structures avaient l’habitude chaque année de rabattre les oreilles des citoyens avec la nécessité de faire attention à certaines maladies attaquant le cheptel notamment le kyste hydatique. 
Il fallait attendre le 13 septembre, soit 12 jours après l’Aid et la polémique sur Facebook, pour voir le ministère de l’Agriculture publier un communiqué dans lequel, il estime que  » les moutons de contrebande pourraient être la cause de ce phénomène « .
Le ministère explique, également, les cas de viande ovine putréfiée par le manque du respect des conditions sanitaires d’abattage des bêtes de sacrifice, surtout que la fête a coïncidé avec une hausse des températures, causant la prolifération des microbes et un changement de la couleur de la chair (verdissement) et l’émission de mauvaise odeur. 
Toutefois, certains vétérinaires estiment que cette affaire de verdissement de la viande se présente comme un phénomène ordinaire, dû au fait de donner à manger au mouton, la veille de l’Aid.
 » En cas d’abattage du mouton lorsqu’il est en phase de digestion, ceci génère des bactéries qui passent dans la circulation sanguine, et par la suite vers les muscles, ce qui favorise le changement de couleur « , explique le professeur Ahmed Rejeb, président du Conseil National de l’Ordre des Médecins Vétérinaires de Tunisie, rappelant que le phénomène a été enregistré, depuis deux ans, en Algérie et au Maroc. 
De leur coté, Wided et mme Maaloul assurent chacune que leurs maris ont l’habitude d’abattre les moutons et ont respecté, comme tous les ans, les rites et les conditions d’hygiène nécessaire.
 » Pour notre cas, ça ne peut pas être le résultat d’un abattage irrespectueux des conditions d’hygiène. Même la couleur constatée (genre de verdissement), me paraît étrange et loin d’être le symptôme d’une viande en phase de pourriture » assure encore Wided. 
Les témoignages de citoyens se sont multipliés sur facebook et ailleurs mais aucun chiffre n’a été donné sur le nombre de carcasses jetées ou les moutons concernés parmi le cheptel vendu, seul 40 cas de viande pourrie de moutons de sacrifice ont été signalés dans le gouvernorat de Sfax, selon la président du département de la production animale au sein du commissariat régional au développent agricole de Sfax (CRDA), Sami Farsi.
Quant aux conséquences de la consommation de cette viande sur la santé, docteur Sameh Aissa, infectiologue à Rabta, a assuré, dans une déclaration à l’agence TAP, que tant qu’aucun cas de toxication n’a été déclarée, durant la semaine écoulée, par les citoyens, « on ne risque rien », d’autant plus que la viande est digérée et éliminée par l’Homme en 24 heures. Pour ce même cas, d’autres spécialistes n’écartent pas le risque de cancer colorectal qui peut se produire à moyen ou long terme. 
Interrogé par l’Agence Tap Chokri Rezgui, président adjoint de l’UTAP chargé de la production végétale et animale, s’emploie surtout, à blanchir les éleveurs ou les vendeurs de bétail tunisiens. Selon ses propos, le problème aurait concerné plutôt les moutons de contrebande qui échappent au contrôle vétérinaire. 
Quant au responsable à la Direction générale des services vétérinaires, au ministère de l’Agriculture, Dr Kheireddine Makhlouf, il fait savoir que des échantillons de la viande concernée ont été transférés aux laboratoires pour analyse, afin d’identifier les causes de cette putréfaction. Ces analyses aideront à comprendre les causes de verdissement de la viande et à savoir s’il est lié aux aliments (fourrage de mauvaise qualité) ou à la santé de la bête, elle-même. Plus de quinze jours sont passés depuis le jour du sacrifice et aucun résultat n’a été publié. Au point où en sont les enquêtes réalisées sur les incidents et accidents survenus en Tunisie , les consommateurs risquent non seulement d’attendre pour toujours mais aussi, d’être confrontés au même problème l’an prochain, à l’instar de ce qui se passe chez les pays voisins.