« L’UTAP a présenté dans le document de Carthage 2 des demandes bénéfiques pour l’économie du pays et l’agriculteur » (Abdelmajid Zar) 

« L’Union tunisienne de l’agriculture et de la pèche (UTAP) qui tient son 16ème congrès national du 8 au 11 mai 2018, à Tozeur (sud-ouest du pays), a présenté dans le document de Carthage 2, non encore adopté, des demandes non excessives qui sont bénéfiques tant pour l’économie du pays que pour l’agriculteur « , a indiqué le président sortant de l’UTAP Abdelmajid Zar.
« L’UTAP appelle toujours au lancement d’un dialogue national pour tracer une stratégie agricole à même de traiter les problèmes de l’agriculture dans leur ensemble et non pas de manière partielle « , a ajouté Zar dans un entretien accordé à l’Agence TAP.
Les problèmes omniprésents et épineux du secteur
Il s’agit des dossiers relatifs au financement de l’agriculteur, ainsi qu’à son endettement, aux eaux d’irrigation, au dessalement des eaux de la mer, à la mise à niveau globale du secteur en prévision de l’ALECA (Accord de libre-échange complet et approfondi), aux terres domaniales afin de créer des emplois pour les jeunes, à la mise en place de la filière des filières pour abaisser le taux de destruction après la production ainsi qu’à la préservation du rendement du secteur, a-t-il précisé.
Selon Zar, les problèmes de l’agriculture tunisienne sont chroniques mais le défi le plus grand est la faiblesse de la productivité et du rendement de l’agriculteur. Il a expliqué cette faiblesse par les choix du pays qui sont orientés vers les services, alors que l’agriculture est marginalisée, et ceci ne date pas d’aujourd’hui mais depuis des décennies. Ce secteur est considéré comme un secteur social plutôt qu’économique et une source de revenus pour les familles démunies.
Zar a parlé également de la recherche dans le domaine agricole, qui est un pilier essentiel pour augmenter la productivité.  » La recherche agricole est encore délaissée…si l’agriculture est marginalisée, la recherche l’est encore plus, en absence d’incitations. Idem pour la vulgarisation agricole, qui n’a pas été développée en Tunisie, en dépit de son importance, en termes de mise en œuvre des résultats de la recherche. Aujourd’hui, a-t-il appuyé, le besoin en vulgarisation agricole est énorme, notamment à la lumière de l’apparition de nouvelles maladies dues aux changements climatiques.
Zar s’est aussi interrogé sur l’intervention des autorités pour aider les agriculteurs à stoker, refroidir, transformer leurs produits agricoles et à les exporter, au moment où 30% de nos produits agricoles sont périmés après la production.
Cette situation a engendré une réticence des jeunes à exercer dans le secteur, sachant que seulement 6% des agriculteurs sont âgés de moins de 35 ans, ce qui reflète son vieillissement du secteur et menace l’avenir de la sécurité alimentaire.
Les jeunes en point de mire
« Nous allons vers l’intégration des jeunes dans le secteur agricole, à travers l’incitation à la smart agriculture (agriculture intelligente face au climat), qui est attractive mais demeure encore sous développée. A cet égard, Zar s’est exprimé avec douleur, sur l’état des régions agricoles en Tunisie:  » les régions marginalisées, définies dans la Constitution, comme des régions à discrimination positive, sont les régions agricoles par excellence « . En réalité, le travail agricole doit être accompagné par les attributs d’une vie décente « .
Et d’ajouter: « L’Etat devra lutter contre le morcellement des terres et de la propriété, examiner les dossiers des terres domaniales que nous voyons, aujourd’hui mises à la disposition des sociétés de mise en valeur et de développement (SMVDA) et accordées aux propriétaires de capitaux, alors que les diplômés sont au chômage. Ces terres domaniales devraient être distribuées aux jeunes, sous forme de sociétés coopératives »
Les solutions préconisées
« Certes, ces problèmes dans lesquels l’agriculture tunisienne s’est engluée sont dus à un manque de volonté politique, mais aussi à des changements climatiques qui sont pérennes: la pénurie d’eau, le déficit pluviométrique et la sécheresse dans les régions, des problématiques au niveau desquelles l’Etat devrait intervenir », a-t-il avancé.
Et de poursuivre que la résolution de la question de l’eau en Tunisie doit s’articuler autour du dessalement des eaux de la mer, sachant que la Tunisie dispose d’un littoral s’étendant sur 1353km et de l’extension des périmètres irrigués, d’autant plus qu’en Tunisie seulement 10% des terres labourées sont irriguées mais produisent cependant 30% des produits agricoles.
Idem, il est impératif, aujourd’hui, d’encourager les jeunes à investir dans l’agriculture qui est un secteur prometteur, en examinant la question du financement, notamment le financement bancaire, du fait que les microcrédits octroyés à des taux d’intérêt élevés ( 35%), deviennent épuisants et constituent un fardeau pour les jeunes agriculteurs. Il y a lieu, dans ce contexte, a-t-il dit, de réviser les taux d’intérêts bancaires et d’alléger les conditions d’octroi des crédits. Le président sortant de l’UTAP a fait remarquer que l’endettement des agriculteurs, dû à des crédits saisonniers, n’est pas un choix délibéré de l’agriculteur mais une obligation pour pouvoir faire face aux impacts des changements climatiques, auxquels s’ajoute  » le cadeau empoisonné « , du rééchelonnement des dettes, faisant ployer l’agriculteur sous les charges.
Zar, candidat aux élections du congrès de l’UTAP (8-11 mai 2018), a souhaité voir entrer en fonction, dans les meilleurs délais, le fonds des catastrophes naturelles, auquel un budget de 70 Millions de dinars (MD) a été alloué et dont les ressources proviennent de l’Etat et d’un prélèvement au titre de la contribution des agriculteurs et des marins-pêcheurs. Selon lui, ce fonds aurait dû être aussi alimenté par un prélèvement sur la base du principe de la solidarité. « Cette proposition émanant de l’UTAP a été refusée par le reste des acteurs économiques », a-t-il regretté.
Encourager la production locale de semences sélectionnées
Pour ce qui est de l’insuffisance des semences sélectionnées, Zar a précisé que « jusqu’à aujourd’hui, la Tunisie ne couvre que 20% de ses besoins en semences sélectionnées et pour le reste de la production nous utilisons les semences ordinaires qui ne permettent qu’une production réduite à faible productivité ».
D’après lui, deux scénarios se présentent pour la Tunisie, soit d’élargir le champ d’utilisation des semences sélectionnées qui devraient être subventionnées pour améliorer la productivité et le rendement, soit rester dans l’état actuel des choses et se contenter d’une faible productivité.
« L’organisation agricole préconise d’utiliser les semences sélectionnées, tout en respectant deux conditions relatives respectivement à l’intensification de la production locale des semences en Tunisie ainsi que leur adaptation au climat et au sol aux fins de préserver la productivité et le rendement. « Nous refusons la dépendance mais aussi l’utilisation des semences hybrides, même si elles sont adaptées au sol et au climat ». Il a souligné, dans ce contexte, la nécessité de subventionner les semences intensifiées produites en Tunisie, en vue d’améliorer la productivité, le rendement de l’agriculteur et la sécurité alimentaire de la Tunisie.
S’agissant de l’ALECA, la position de l’organisation agricole est claire, a dit Zar.  » Il y a lieu d’assurer la mise à niveau globale du secteur agricole, ajoutant qu’il ne s’agit pas d’une question de timing mais d’objectif, à savoir l’amélioration de la compétitivité du secteur agricole tunisien « , a-t-il conclu.