EUROPE : AFRIQUE COMME ALTERNANCE AU GAZ RUSSE ?

Depuis le déclenchement du conflit russo – ukrainien, les Etats-Unis d’Amérique et l’Union Européenne (UE) alliés de Kiev contre Moscou ont voté des sanctions économiques, financières, politiques et militaires contre le Kremlin. Ces mesures visent à affaiblir la capacité de la Russie à financer la guerre.

En réaction aux sanctions occidentales, la Russie n’a donc pas hésité à retorquer à ses adversaires géopolitiques. Elle a d’abord brandi la menace de suspendre la livraison de son gaz à l’Europe et s’est exécutée.

La riposte russe : Fermeture de Nord Stream 1 :

Premier fournisseur de l’Union européenne qui dépend à « 45% » des importations de gaz naturel russe en 2021, mais cette dépendance varie d’un pays à un autre. La Slovaquie ou les Pays Baltes dépendent de « 80 % » de l’importation du gaz russe, la Pologne « 65 % », l’Autriche de « 37 % », enfin, l’Allemagne, l’Italie et la France de « 24 % ». Cela représente donc une consommation de 400 milliards de m3 de gaz en 2021. Le gaz constitue donc pour Kremlin une arme géopolitique qu’il peut utiliser pour avoir gain de cause.

Appliquant donc la loi de talion, en mai, Gazprom a fermé le gazoduc Yamal, qui traverse le Belarus et la Pologne et qui fournit du gaz à l’Allemagne et à d’autres pays européens. Puis, mi-juin, Gazprom a réduit de 3/4 les livraisons de gaz par le Nord Stream 1, passant de 170 millions de mètres cubes de gaz par jour à environ 40 millions de mètres cubes.  Puis, au début du mois de juillet, Gazprom a fermé le Nord Stream 1 pour dix jours afin d’y effectuer des travaux de maintenance. Cela s’est répétée puis « la Russie a interrompu l’approvisionnement en gaz de l’Europe via le gazoduc, au motif que des réparations étaient nécessaires ».

La fermeture du gazoduc Nord Stream 1, qui est géré par Gazprom et qui passe sous la mer Baltique pour rejoindre l’Allemagne, fournissant historiquement environ un tiers du gaz exporté par la Russie vers l’Europe (Bulgarie, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Pologne, France, Allemagne, …). Cette décision a suscité la colère de plusieurs capitales européennes. Paris, a condamné Moscou et l’accuse d’utiliser le gaz comme « arme de guerre », ce que rejette le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov qui affirme que « les problèmes de pompage (de gaz) sont apparus à cause des sanctions des Etats occidentaux. Il n’y a aucune autre raison à ces problèmes », a. Si des pays dépendant du gaz russe livré par Gazprom disent disposer de stocks suffisants pour cet hiver, il faut souligner que cela a provoqué une inflation du prix de plus de 30%.

Qu’en est-il du stockage stratégique ?

« La France s’est préparée à ce scénario depuis le printemps : le remplissage des stocks de gaz atteindra son maximum dans environ deux semaines », a rassuré la Ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Elle a indiqué que « le gaz russe ne représentait plus que 9% des approvisionnements français, contre 17% avant la guerre ». L’Allemagne a aussi déclaré que « ses stocks de gaz sont remplis à 83,65%, un chiffre proche de l’objectif de 85% fixé par Berlin pour le 1er octobre, mais le gouvernement a déjà prévenu qu’il serait difficile d’atteindre le seuil de 95% visé pour novembre ».

Dans l’ensemble de l’Union européenne, les capacités de stockage sont remplies à 80,17%, selon le décompte de Bruxelles, a indiqué plusieurs départements publics européens des hydrocarbures.

L’Afrique comme alternative pour approvisionner l’UE en gaz ?

A en croire l’Union Européenne, elle n’a pas attendu la crise énergétique avec la Russie pour penser à la diversification de ses sources d’approvisionnement. Une réflexion a été initiée en perspective de la forte demande de gaz de l’UE dans les prochaines années et malheureusement qu’elle coïncide avec cette crise. Baptisée « REPowerEU », présenté puis validé le 19 mai, il s’agit d’un plan de 300 milliards d’euros qui a « pour se défaire des 2/3 des importations de gaz russe d’ici à la fin de l’année, soit environ 110 milliards de m3 », lit-on dans le communiqué de l’UE.

Ce programme met en évidence l’indispensable rôle et opportunité qu’aura l’Afrique dans la fourniture de gaz à l’Europe. Si le continent fournit déjà à l’Europe 10% de son gaz, cela va doubler d’ici 2030 a indiqué une étude de Rystad Energy. « L’infrastructure de pipelines existant entre l’Afrique du Nord et l’Europe comme les relations historiques d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) font de l’Afrique une alternative solide pour les marchés européens, après l’interdiction des importations russes », a noté Siva Prasad, analyste principal au sein de ce cabinet de conseil norvégien. C’est dans cette perspective que l’on note un regain de signatures d’accords de projets énergétiques entre des partenaires publics et privés et des gouvernements africains pour l’exploitation de l’énergie fossile et renouvelable.

Dans ce cadre on peut citer le projet du gazoduc transsaharien destiné à alimenter l’Europe par l’Algérie, le Niger et le Nigéria. Concernant ce projet « les ministres de l’Energie algérien, nigérian et nigérien ont signé, jeudi 28 juillet, un mémorandum d’entente de concrétisation du projet du gazoduc transsaharien (TSGP) long de plus de 4.000 km qui permettra d’acheminer du gaz nigérian vers l’Europe », a rapporté l’agence officielle APS.
Le transsaharien devrait transporter à terme des milliards de mètres cubes de gaz nigérian vers l’Algérie en passant par le Niger. L’Algérie pourra ensuite envoyer vers les pays de l’Union européenne du gaz nigérian, via le Transmed qui relie le pays à l’Italie en passant par la Tunisie, et en GNL (gaz naturel liquifié) transporté par des méthaniers.

Un autre projet est celui du gazoduc Nigeria-Maroc pour aussi fournit le gaz à l’Europe et dont le mémorandum d’entente a été signé jeudi 15 septembre 2022 à Rabat. Au dela d’approvisionner le Maroc et le Maroc, ce gazoduc long de 6 000 kilomètres, pourrait traverser treize pays africains et approvisionnerait les Etats enclavés comme le Niger, le Burkina Faso et le Mali.

Pareillement, des projets pour exploiter les potentialités africaines en énergie renouvelable sont récurrents ces derniers temps. Profitables surtout au pays d’Afrique du Nord (Egypte, Tunisie, Maroc et Algérie), ces pays sont courtisés pour la construction de centrale solaire et l’exportation de l’énergie en Europe.

Même si le continent dispose de ressources énergétiques, sa production ne pourra pas si vite suppléer la Russie. Il lui faut d’abord construire des infrastructures pour sortir sa production et palier aux problèmes d’insécurité au Nigeria. Comme on le dit « à quelque chose malheur est bon », les gouvernements africains devront encourager les PPP pour jouir aussi de leurs potentialités énergétiques.

A. Fleury