En Afrique : Les performances de la majorité des 237 zones économiques spéciales demeurent en deçà des attentes (rapport)

Le nombre des zones économiques spéciales (ZES) ne cesse d’augmenter en Afrique, mais leurs performances restent en deçà des objectifs fixés en termes d’industrialisation, d’attraction des investissements directs étrangers (IDE) et de création d’emplois, selon un rapport publié en décembre dernier par le ministère sénégalais de l’Economie, du plan et de la coopération.
Le rapport précise que l’Afrique compte au total 237 ZES réparties sur 37 pays.
Les pays africains qui abritent le plus grand nombre de ces zones sont le Kenya (61), le Nigeria (38), l’Ethiopie (18), l’Egypte (10) et le Cameroun (9).

En ce qui concerne les domaines d’activités, les ZES africaines ne sont pas suffisamment spécialisées. 89% d’entre elles sont multisectorielles (agro-alimentaire, équipements et appareils, produits pharmaceutiques, etc.). Seuls l’Ethiopie (Hawassa/textile), le Gabon (Nkok/bois) et le Maroc (Tanger Med et Kénitra/industrie automobile et industrie aéronautique) ont jusqu’ici développé des zones spécifiques pour exploiter leurs avantages comparatifs dans des secteurs bien déterminés.

Définies comme étant des espaces géographiques délimités à l’intérieur des frontières d’un pays, qui offrent aux investisseurs des incitations fiscales (réduction ou la suppression des impôts), des infrastructures (terrains aménagés, bâtiments d’usine, services publics), un régime douanier spécial (exemption des intrants des droits de douane et de taxes) et des procédures administratives simplifiées par rapport à ce dont ils bénéficieraient normalement dans l’environnement national, les ZES doivent essentiellement leur notoriété aux pays asiatiques. Ces zones ont été en effet déterminantes dans le décollage économique de la Chine et d’autres dragons asiatiques comme la Corée du Sud, Hong Kong et Singapour.

Les produits manufacturés représentent moins 25 % des exportations
La création des zones économiques spéciales, dans les années 80, dans des villes portuaires chinoises telles que Zhangzhou et Shenzhen a permis à l’empire du Milieu de transformer structurellement son économie, à travers la diversification et l’accroissement de ses exportations de produits manufacturés. Selon la Banque mondiale, les ZES chinoises ont représenté au moins 22% du PIB, 46 % des IDE et 60 % des exportations au cours de ces dernières années. Elles ont également généré plus de 30 millions d’emplois et accéléré l’industrialisation, la modernisation de l’agriculture et l’urbanisation du pays, tout en permettant un transfert des technologies, du savoir-faire technique et des compétences managériales.

Le rapport souligne dans ce cadre que les ZES africaines n’ont pas globalement réussi jusqu’ici à industrialiser les économies du continent. Entre 2015 et 2020, les produits manufacturés représentaient moins 25 % des exportations africaines contre 61% des importations.

Des cas de succès ont été notés dans certains pays comme le Maroc, l’Ethiopie, l’Ile Maurice ou Djibouti. Hormis ces quelques exceptions, les ZES du continent n’ont pas été performantes comparativement à celles de l’Asie et de l’Amérique latine, où elles ont joué un rôle clé dans l’attraction des IDE, l’industrialisation et la création d’emplois.
A part Djibouti où la contribution à l’emploi national est de 48%, cet indicateur est très faible en Afrique (inférieur en général à 5%). L’étude d’un échantillon de douze pays africains (Angola, Djibouti, Egypte, Ethiopie, Ghana, Kenya, Maroc, Rwanda, Sénégal, Afrique du Sud, Tanzanie et Togo) révèle que le nombre moyen d’emplois créé au niveau de chaque ZES est compris entre 1001 et 10 000 par zone.

Des produits exclus des régimes de préférences commerciales
Une poignée de ZES se distinguent cependant par la création d’un nombre relativement important d’emplois, à l’instar de Tanger Med au Maroc (80 000) et d’Alexandria Public Free Zone en Egypte (74 000).
En matière d’attraction des IDE, les performances des ZES du continent sont également très modestes. Le Maroc et l’Ethiopie sont souvent cités comme des exemples de réussite dans ce chapitre. Grâce aux ZES, les flux d’IDE à destination de l’Ethiopie ont augmenté de près de 50% par an depuis 2010, pour atteindre 4 milliards de dollars en 2017.

Avec plus de 1000 entreprises opérationnelles, Tanger Med est un véritable pôle d’attraction d’IDE et de création de richesses. Les investissements privés y sont estimés à 6,2 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires annuel de près de 8,7 milliards de dollars, une production annuelle de plus d’un million de véhicules et des exportations d’environ 8,9 milliards de dollars, correspondant à près de 30% des exportations totales du Maroc.
Le rapport explique les faibles performances des ZES en Afrique par l’enclavement d’un nombre non-négligeable de ces zones, les défaillances dans la chaîne d’approvisionnement en intrants, les coûts énergétiques élevés et les problèmes de gouvernance.

Les ZES sont par ailleurs pénalisées par l’exclusion des produits qui y sont issus des régimes de préférences commerciales établis par certaines communautés économiques régionales comme l’espace CEDEAO, l’UEMOA, et la zone arabe de libre-échange, en raison des prix compétitifs que peuvent proposer les entreprises implantées dans ces zones par rapport aux entreprises de droit commun qui exportent sur le même marché sans bénéficier des mêmes avantages. D’où l’intérêt d’une profonde réflexion sur les moyens de faire bénéficier les entreprises implantées dans les ZES des avantages de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) sans trop pénaliser les entreprises de droit commun.