40% de l’endettement touristique à l’échelle nationale sont supportés par la STB
40% de l’endettement touristique à l’échelle nationale sont supportés par la Société tunisienne de banques (STB), la plus engagée parmi les banques de la place dans ce domaine. Sur un endettement total dans le secteur de 4400 MD, la STB a, jusqu’à fin 2017, un engagement de 1700 MD, a déclaré le directeur général de la banque Samir Saied, dans un entretien accordé, lundi, à l’agence TAP.
Cette banque publique qui a bénéficié d’un appui financier de 750 MD dans le cadre d’un programme de recapitalisation adopté par le gouvernement, a une lourde charge causée principalement par l’endettement du secteur touristique.
La STB a lancé en 2016 une nouvelle stratégie de développement sur la période 2016-2020, laquelle accorde une importance particulière au secteur du tourisme et ambitionne de résoudre le problème engendré par le portefeuille des créances touristiques accrochées. Cette stratégie permettra l’assainissement de la situation financière des unités touristiques dans le but de les relancer, le recouvrement de la dette et par là, le repositionnement du secteur touristique comme une des clés du développement économique.
A mi-chemin de l’exécution du contrat-programme signé par le ministère des finances et le conseil d’administration de la banque et déterminant les objectifs de cette stratégie, les principaux indicateurs d’activité et de performance ont évolué en ligne avec les objectifs escomptés. Le résultat net de la banque a atteint 52MD à la fin de l’exercice 2017, contre un objectif de 30MD.
TAP: Vous avez indiqué auparavant que la STB devra faire face à une situation difficile cette année si elle ne parvient pas à recouvrir ses créances auprès des hôteliers et que l’essor de la STB dépend de celui du secteur touristique. Comment remédier à cette situation?
Samir Saied : Les créances de la STB auprès des hôteliers s’élèvent à 1700 millions de dinars (MD), dont 1253 MD de créances accrochées, lesquelles représentent un taux de 74%. Ce taux est de l’ordre de 50% dans le secteur touristique.
Les ¾ du portefeuille de la banque est un portefeuille sinistré. Ainsi, le recouvrement de ces créances permettra une reprise des anciennes provisions (constatation d’une perte éventuelle pour des créances douteuses ou d’une perte dont le montant n’est pas encore exactement déterminé), et surtout moins de provisions additionnelles (les créances ayant une ancienneté supérieure ou égale à trois ans).
» Cette année les provisions additionnelles seront fortes à cause des décisions de la BCT concernant le rééchelonnement du règlement des tranches des crédits accordés aux hôteliers ( principal et intérêts), et ce pour les échéances 2015, 2016 et 2017.
Ces provisions additionnelles qui seront de l’ordre de 90 MD en 2018 vont grever les résultats de la banque en 2018. Certes, la banque ne sera pas déficitaire et va maintenir le niveau de 2017, d’autant plus qu’elle dispose d’autres atouts, dont les premiers fruits de la stratégie de la restructuration de la STB, entamée en 2016, avec une augmentation de 24% de son PNB (103MD) au cours du premier trimestre 2018. Toutefois, les résultats de cette année devraient être meilleurs que l’année précédente, sans ce fardeau important de la provision additionnelle.
Je tiens à rappeler que ces techniques de provisionnement sont nécessaires compte tenu de la spécificité du secteur touristique. » Il ne faut pas craindre la solidité financière de la STB car ce que nous avons mis en provision spécifique additionnelle en 2018, nous allons pouvoir le récupérer au cours des années 2020, 2021 et 2022, grâce au recouvrement des impayés, notamment avec une belle saison touristique qui s’annonce progressivement au cours des prochaines années ».
TAP:Quel est le niveau du taux de recouvrement de la banque des créances auprès des hôteliers?
Samir Saied : Le taux de recouvrement pour le premier trimestre 2018 est dérisoire. Nous demandons la compréhension de nos clients pour assurer le recouvrement des impayés, chose qui est aujourd’hui nécessaire et impérative. Nous sommes des partenaires du secteur touristique et nous avons fait notre devoir, à travers la contribution à l’élaboration du livre blanc avec la fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), et présenté des conditions de reprise que nous estimons saines et solides. Aujourd’hui, nous demandons la solidarité du secteur et la récupération de notre argent.
La STB a soutenu le secteur et continue à le faire. Nos clients connaissent notre rôle principal dans le financement du secteur du tourisme durant les périodes difficiles et nous, nous savons également qu’une belle saison touristique s’annonce et le cash est disponible, même si la tarification n’a pas été très élevée. Les hôteliers devraient s’acquitter de leurs engagements financiers envers les fournisseurs, le fisc, la CNSS et les autres banques, dont la STB. Un tel comportement fait partie des bons comptes qui font les bonnes relations.
TAP:Quels sont les principaux axes du livre blanc qui a été conçu conjointement entre la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), l’Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements Financiers (A.P.T.B.E.F ) et le ministère du Tourisme ?
Samir Saied: Les négociations pour la mise en place du livre blanc se sont articulées d’abord autour du rétablissement de la confiance entre les secteurs touristique et bancaire. Ainsi, tous les concepts dans ce document ont été conçus sur le principe de gagnant-gagnant.
Nous avons voulu, avec la FTH et le ministère du Tourisme, qu’il y ait un redressement du secteur pour moderniser la destination Tunisie et diversifier le produit touristique afin de l’aligner sur les meilleurs standards internationaux en proposant plusieurs initiatives, telles que les assises du tourisme et la programmation d’actions et programmes ciblant à la fois les unités touristiques et le secteur de manière globale.
Ce livre blanc à la mise en oeuvre duquel nous appelons, indique aussi une démarche pour résoudre le problème de l’endettement du secteur touristique.
« Nous avons déterminé deux niveaux de la dette, soit les dettes supportables, réparties entre les dettes senior et junior, et celles qui sont plus difficiles à recouvrir. Pour ce type de dettes, nous avons prévu ce qu’on appelle une Obligation convertible en action (OCA), c’est-à-dire une conversion de la dette en actions, en cas de mauvaise gestion au sein de l’unité hôtelière. Pour les hôteliers ayant une capacité de gérer tous seuls leurs hôtels, nous n’avons pas de raison d’intervenir, mais nous leur demandons juste de rendre des comptes en termes de réalisation de leur business plan, toutefois si jamais, ils n’atteignent pas les objectifs fixés ou si la banque constate une dérive quelconque, nous appliquons cette OCA, tout en préservant l’actionnariat du propriétaire de l’unité hôtelière..
TAP-Vous avez indiqué auparavant que la réalisation des perspectives financières de la STB pour la période 2018/2020 est tributaire de certaines conditions y compris l’application de l’avantage fiscal proposé dans le livre blanc. Qu’est-ce que vous entendez par cet avantage et qui en sont les bénéficiaires ?
Samir Saied : Oui, un avantage fiscal est proposé dans le livre blanc pour les unités hôtelières en difficulté qui procèdent à une augmentation de capital, étant donné que c’est la seule alternative leur permettant de consolider leurs fonds propres (qui sont à des niveaux négatifs ), d’autant plus que ces unités sont classées et sont dépourvues de tout financement bancaire. Cet avantage pourrait être une exonération partielle d’impôt calculée sur le montant investi dans le capital de la dite unité hôtelière, pendant un ou deux ans. La décision reste souveraine et revient au ministère des Finances.
Si cet avantage fiscal n’est pas possible, il y a d’autres mécanismes financiers qui pourraient donner un coup de pouce à ces unités hôtelières, surtout que le secteur est générateur de croissance économique, d’emplois et de devises.
Ces mécanismes seront accordés aux unités ayant un potentiel et des perspectives de développement mais qui sont en difficulté de paiement de leurs dettes envers les banques, à cause des crises vécues par le secteur. Ainsi, les sommes dues à ces créanciers ne seront pas abandonnées mais récupérées ultérieurement.
Pour certains hôtels qui ne sont pas trop impactés par les crises enregistrées au cours de ces dernières années, une simple restructuration est suffisante pour garantir le retour normal de leurs activités, alors que pour d’autres hôtels qui ne sont pas rentables et qui n’ont pas de perspectives de développement, nous avons demandé dans le livre blanc leur reconversion en d’autres activités. En ce qui concerne la procédure de recouvrement de leurs créances, nous allons procéder à la conclusion de l’accord transactionnel, dont la loi a été adoptée récemment par l’ARP.
TAP : Est-ce que la STB continue à financer l’investissement dans le secteur touristique, si oui, assurera-t -elle le suivi des crédits accordés?
Samir Saied: Nous continuons modérément à financer le secteur touristique, en accordant des crédits de gestion pour ceux qui ne sont pas classés et même pour de nouveaux hôtels. La demande de crédits est très forte mais la marge de manoeuvre de la banque est très limitée. S’il n’y a pas de recouvrement, ni mon Conseil d’administration ni mon autorité de tutelle ne me permettront de continuer à financer le secteur.
Donc, nous avons mis une condition, celle de ne pas financer un projet ou d’investir ne serait ce qu’un dinar, s’il n y a pas de transparence totale. La FTH a adhéré à ce principe et j’estime que le futur sera différent. Nous allons assurer le suivi de la destination de tous les crédits pour qu’ils soient utilisés à bon escient.
TAP:Que pensez-vous de l’idée de privatisation ou de la fusion des trois banques publiques, la BH, la STB et la BNA ?
Samir Saied : Les trois banques poursuivent un processus de relance et de développement de leurs activités, en dénote leurs résultats qui sont en amélioration continue.
La décision de la privatisation ou de la fusion est purement politique car cette décision reste l’affaire du gouvernement.
Nous, les technocrates, nous préparons les banques pour toutes les possibilités, soit la privatisation ou la fusion, mais si les politiciens décident la fusion entre les trois banques publiques STB, BNA et BH, il faut tirer la leçon de l’ancienne fusion de la PNDT (la Banque nationale de développement touristiques), de la BDET (Banque de développement économique de Tunisie) et la STB, laquelle n’a pas bien fonctionné. L’opération pourrait donc être une deuxième catastrophe.
A mon avis, s’il y a une réflexion dans cette optique, la gestion de la pré-fusion est beaucoup plus importante que l’étude de faisabilité ou l’opportunité de la fusion entre les trois établissements bancaires, puisque la fusion signifie une fusion des cultures, des organigrammes et des responsabilités. Il ne faut pas hâter sa réalisation car l’enjeu est immense et l’opération de la fusion n’est pas une mince affaire, d’autant plus qu’elle nécessite des moyens énormes, de vrais professionnels qui étudient et préparent cette opération.
Si l’Etat se dirige vers cette solution, ça pourrait être, pourquoi pas, par exemple, pour créer une seule et superbe banque nationale, qui accompagne les exportateurs tunisiens vers le marché africain, dans leurs activités commerciales ou dans leur implantation à l’étranger, ou encore un instrument d’accompagnement des PME.
C’est une question importante qui mérite un débat et l’opinion d’experts chevronnés, d’autant plus que les trois banques publiques ont presque la même activité et se font concurrence.