Appel à promulguer une loi pour les urgences fiscales
Le gouvernement Chahed est appelé à promulguer une loi pour les urgences fiscales, en Tunisie, où les dettes fiscales impayées sont estimées à environ 14 milliards de dinars, soit environ la moitié du budget de l’Etat, a affirmé Abderrahman El Lahga, représentant de l’UGTT au Conseil national de la fiscalité.
Intervenant, lors d’un atelier de travail organisé par le département des études et de la documentation de la centrale syndicale, sous le thème » la fiscalité en Tunisie entre la fraude et l’évasion, et l’impératif de réforme « , El Lahga a précisé que l’actuel gouvernement serait en mesure de promulguer ce projet de loi, à l’instar de celui portant sur les urgences économiques (promulgué récemment), ajoutant qu’il permettra de résoudre plusieurs problèmes dans le domaine de recouvrement fiscal et de fournir des ressources fiscales supplémentaires à l’Etat.
» Les dettes fiscales impayées sont réparties entre les dettes fiscales (4 milliards de dinars), les dettes et les infractions douanières (3 milliards de dinars), les dettes des caisses sociales auprès de certaines entreprises (2 milliards de dinars) et les dettes du secteur touristique (7 milliards de dinars) « , a fait savoir le représentant de l’UGTT.
El Lahga a recommandé, au gouvernement, de procéder à un recouvrement sur une période bien déterminée, estimant que les fonds qui seront collectés de ces dettes fiscales impayées peuvent éviter à l’Etat le recours à l’endettement extérieur.
Concerant le danger de l’évasion fiscale, l’universitaire a fait savoir que près de 70% des médecins déclarent des revenus plus faibles que ceux de leurs homologues dans le secteur public, proposant en outre de criminaliser les transactions en espèces qui dépassent les 10 mille dinars, et ce, en vue de faire face à la fraude et à l’évasion fiscale.
» Le système fiscal en Tunisie est inéquitable et inefficace « , a-t-il encore dit, ajoutant que le problème de l’évasion fiscale revêt une importance nationale et doit par conséquent faire l’objet d’un consensus national pour le résoudre.
Le représentant de l’UGTT s’est dit étonné de la demande formulée par le gouvernement de l’Union nationale à l’UGTT, concernant le report de la majoration des salaires au titre de l’année 2017-2018, malgré un accord officiel conclu entre l’UGTT et l’ancien gouvernement en janvier 2015.
Il a, dans le même cadre, rappelé qu’en mai 2016, le ministre de Finances et le gouverneur de la Banque Centrale ont exprimé au Fonds Monétaire International (FMI) l’engagement de la Tunisie à réduire la masse salariale.
De son côté, Anouar Ben Gaddour, secrétaire général adjoint chargé des études et de la documentation à l’UGTT, a annoncé que la copie finale de la réforme fiscale proposée par la centrale est prête et sera présentée ultérieurement, aux instances de la centrale estimant que cette réforme permettra de drainer des ressources financières supplémentaires, en mesure d’alléger les pressions sur le budget de l’Etat 2017.
L’universitaire Sami Aouadi a mis l’accent, quant à lui, sur les répercussions économiques de la fraude et de l’évasion fiscales, notamment sur le le budget de l’Etat, au vu » de la réduction de la marge de manœuvre du gouvernement, de l’augmentation de recours à l’endettement extérieur, la réduction des dépenses de développement et son impact négatif direct sur l’infrastructure et l’investissement « .
Les avantages fiscaux constituent, selon lui un moyen facilitant l’évasion fiscale, dont la valeur est estimée, durant la période 2011-2015, à environ 1400 millions de dinars (MD), soit l’équivalent de un tiers du budget de développement en Tunisie, et environ la totalité du budget de subvention des produits de base.
Ahmed Souissi, professeur universitaire spécialisé en finance publique, a affirmé que la situation fiscale actuelle est en contradiction totale avec l’article 10 de la Constitution du janvier 2014, lequel stipule que la fiscalité est un devoir national, soulignant l’importance d’adapter les politiques publiques dans le domaine fiscal avec les dispositions de la constitution de la 2ème République, notamment l’article n° 10.
Les lois tunisiennes dans le domaine fiscal ne sont pas suffisamment efficaces,a-t-il dit, notant que » depuis trois décennies, une ligne politique persiste à refuser l’activation du système juridique fiscal « . Il a recommandé , à cet égard, de » priver tout politicien, impliqué dans l’évasion fiscale ou commettant une fraude dans ce domaine, de toute activité politique et de l’empêcher de se porter candidat pour n’importe quel poste politique « , à l’instar de ce qui est en vigueur aux Etats unis et dans certains pays scandinaves.