L’instabilité politique, le secteur informel et l’accès aux financements sont les obstacles qui entravent le developpement du secteur privé en Tunisie (Rapport)
L’instabilité politique, le secteur informel et l’accès aux financements sont les principales obstacles qui entravent le développement du secteur privé en Tunisie, selon les conclusions d’un rapport de la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et le Groupe de la Banque mondiale (BM), présentées jeudi à Tunis, par le Chef de division de la BEI, Pedro De Lima.
Ce rapport qui s’interroge sur les raisons qui « retiennent le secteur privé dans la région MENA », est tiré d’une enquête qui couvre plus de 6 000 entreprises privées des secteurs secondaire et tertiaire dans 8 économies à revenu intermédiaire en Moyen Orient et Afrique du Nord: La Tunisie, Djibouti, la République arabe d’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Jordanie et Gaza et la République du Yémen.
Cette enquête comporte des données sur le vécu des entreprises dans des dimensions diverses de leur environnement économique. Elle évalue l’accès de ces entreprises aux financements et leur perception de la corruption, des infrastructures, de la criminalité et de la concurrence.
Selon Pedro De Lima, l’enquête permet aussi d’avoir une idée sur les caractéristiques des entreprises, le coût de la main-d’œuvre et d’autres facteurs de production, la composition de la main-d’œuvre et la participation des femmes au marché du travail, les échanges commerciaux, l’innovation et les pratiques de gestion.
En Tunisie, le secteur privé est taxé par l’instabilité politique et l’activité informelle
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Pour la Tunisie, l’instabilité politique est considérée comme la principale entrave au climat des affaires par les entreprises tunisiennes ou 60% de ces sociétés couvertes par l’enquête ont vu leurs ventes décliner de manière spectaculaire, soit de 9% au cours de la période 2009-2012 « , indique le rapport.
Le secteur informel est considéré comme la deuxième entrave majeure en Tunisie, où 45 % des entreprises indiquent être en concurrence avec des entreprises non enregistrées ou informelles.
Quant à l’accès aux financements, il occupe la troisième place dans la liste des entraves, bien que les entreprises tunisiennes dépendent plus largement des financements extérieurs que les entreprises de toute autre économie relevant de l’enquête, leurs fonds de roulement et leurs investissements n’étant financées qu’à hauteur de 59 % par des ressources internes.
« Les entreprises tunisiennes affichent un degré de déconnexion financière plus faible, mais le niveau de sûreté élevé exigé pour les prêts entrave l’accès aux financements », lit-on dans ce rapport.
Forte intensité capitalistique des entreprises tunisiennes
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Le rapport souligne par ailleurs que les entreprises manufacturières tunisiennes se distinguent pour avoir la plus forte intensité capitalistique dans la région MENA. Cela est expliqué par l’existence de subventions à l’énergie, qui ont un effet de distorsion sur les structures de production en favorisant les industries à forte intensité énergétique et capitalistique.
L’étude dévoile, également, que la Tunisie détient la proportion la plus importante d’entreprises réalisant des échanges bidirectionnels (c’est-à-dire à la fois importatrices et exportatrices). « Cette situation peut s’expliquer en partie par l’importance du secteur offshore en Tunisie, qui regroupe des entreprises entièrement tournées vers l’exportation et bénéficiant d’exonérations fiscales, d’un accès en franchise de droits de douane aux produits et aux équipements ainsi que de procédures douanières allégées », a expliqué le Chef de division de la BEI.
Par ailleurs, Pedro De Lima (BEI) a fait savoir que les pouvoirs publics de la région MENA ont tout intérêt, selon le rapport, à inscrire parmi leurs principales priorités l’adoption de stratégies pour accroitre la productivité des entreprises ainsi que la réaffectation des ressources aux plus productives d’entre elles.
Il est aussi essentiel, selon la même enquête, de viser une plus grande stabilité politique pour aboutir à un meilleur climat des affaires et booster le secteur bancaire de la région MENA, « relativement développé », ce qui éloigne de nombreuses entreprises des canaux de financement formels.
Intervenant à cette conférence, l’universitaire, Mongi Boughzala a estimé que le rôle de l’Etat est déterminant pour améliorer la productivité dans le secteur privé et à même d’offrir de l’emploi aux jeunes diplômés de l’enseignement supérieur.
Il a suggéré, à cet effet, la mise en place d’un programme de trois ans qui assurera la contribution de l’Etat dans l’emploi des jeunes.
De son coté, l’ancien ministre des Finances, Elyes Fakhfakh a souligné que « pour soutenir la croissance de l’économie tunisienne, il faut résoudre les problèmes structurelles de la classe moyenne et réviser la politique des salaires ».
« La corruption est liée essentiellement à la compression des salaires et les gens se trouvent, parfois, contraints d’opter pour l’informel pour compenser les couts élevés de la vie », a-t-il dit, critiquant le choix des autorités qui continuent de favoriser, à travers des incitations, les grandes entreprises au détriment des petites et les moyennes entreprises(PME).