Afrique : La diaspora est-elle une force de développement du continent ?

    Depuis la nuit des temps, la migration humaine a toujours accompagné le développement. C’est une activité liée à l’existence de l’Homme. Ainsi, de l’Europe aux Etats-Unis d’Amérique, ou dans d’autres points du globe, les Africains de la diaspora gardent toujours le cordon ombilical avec leurs pays d’origine et s’évertuent de contribuer diversement et à la limite de sa possibilité au développement par des transferts financiers, l’investissement ou la prise en charge sociale de la famille.

    Cependant, le débat sur l’apport de la diaspora africaine ne cesse d’être au centre de discussions et certains penseurs estiment que la migration africaine est une perte de bras, notamment de main d’œuvre pour le développement du continent et surtout une « fuite des cerveaux ».

    Emigration comme alternative aux manques d’emplois ?

    L’Afrique est aujourd’hui confrontée à un manque criard de capital humain qualifié pour l’Afrique. L’exode des Africains vers les pays développés est vue par un grand nombre comme une « fuite des cerveaux » et de « mains valides » qui ont des répercussions dramatiques sur l’Afrique. Mais les tenants de cet argument oublient que les pays d’origine des migrants ont un faible taux d’employabilité.
    En effet, il y a lieu de noter que dans la plupart des pays africains, le taux de sous-emploi des jeunes est très élevé, même chez les personnes nantis de diplômes. C’est dans ce contexte de sous-emploi que s’effectue l’émigration qualifiée qui est supposée être l’unique alternative pour les personnes qualifiées. Aussi, la théorie de la « fuite des cerveaux » cache également plusieurs mécanismes vertueux qui font de la diaspora africaine un accélérateur de développement pour le continent, que les données et études empiriques récentes mettent en lumière. Quelque soient les raisons évoquées, cette diaspora garde toujours les liens avec l’Afrique dans un contexte de mondialisation et entretient divers liens économiques, financiers, politiques et technologiques avec leurs pays d’origine.

    Que représente le transfert de fonds de la diaspora africaine ? Une manne pour le continent ?

    « En 2022, les flux de transferts de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) devraient augmenter de 4,2 % pour atteindre 630 milliards $. Cela fait suite à une croissance robuste de 8,6 % enregistrée en 2021, lorsque les flux de transferts de fonds ont atteint 605 milliards $, dépassant nos estimations précédentes. Les flux d’envois de fonds vers les PRITI hors Chine sont plus importants que les investissements directs étrangers et les flux d’aide publique », a rapporté la Banque Mondiale. Dans ce lot, l’Afrique reçoit « 95 milliards $ dont 46 milliards $ à destination des pays d’Afrique du Nord et 49 milliards $ pour l’Afrique subsaharienne ».

    Le pays dont la diaspora envoie plus d’argent à son pays d’origine est l’Egypte qui profite de ses 10 millions d’expatriés dans le monde et qui ont réalisé « un transfert de 31,5 milliards $ en 2021 ». Cela est en « hausse de 6,4% et représente 7,9% du PIB », a noté la Banque Mondiale. La France qui accueille une forte population de diaspora a expédié pour la seule année 2018, « plus de 11,4 milliards de euros de fonds à différents pays en développement, et particulièrement à destination du continent africain (l’Afrique du Nord bénéficie jusqu’à 40% des envois de fonds envoyés depuis la France) ». A titre illustratif, la Banque de France et le Fonds international de développement agricole (FIDA) ont indiqué que « la France émet à hauteur de 36 % du total des transferts de fonds reçus au Maroc ; 26 % de ceux reçus par le Sénégal ; ou 40 % du total réceptionné en Tunisie ».

    On ne manquera pas signaler qu’en 2021, le Nigeria a reçu 17 milliards $ de sa diaspora, ensuite le Ghana et le Kenya (4,5 et 3,7 milliards $) puis le Sénégal avec 2,6 milliards reçus. Cet envoie de fonds de la diaspora est une opportunité pour leurs Etats car il contribue directement à la croissance. C’est le cas en 2021 de la Gambie (33,8 %), du Lesotho (23,5 %), du Cap-Vert (15,6 %), des Comores (12,3 %), du Liberia (10%) et du Sénégal (9,5%). Puis, « au Cap Vert, en Gambie ou encore au Lesotho, le transfert d’argent de la diaspora représente jusqu’à 20% du Produit intérieur brut (PIB). Au Liberia, les immigrés contribuent à plus d’un cinquième du PIB », a rapporté infomigrants.net. « De l’autre côté, ceux qui envoient de l’argent y consacrent en moyenne 15% de ce qu’ils gagnent dans leur pays d’accueil », a ajouté la même source.

    Si l’argent transféré participe au développement, c’est une « grande manne financière » pour les familles qui les reçoivent. Il sert à nourrir les parents, se soigner, ou payer la scolarité des enfants ou d’autres progénitures. « Pour de nombreux foyers, ces sommes représentent jusqu’à 40 % du revenu de leurs revenus », a rapporté le Fonds international de développement agricole (Fida) en 2015.

    Si certains pays jouissent de l’apport de leurs diasporas, ce n’est pas le cas pour tous. Bien que cette part d’apport soit significative et contribue à des degrés divers au développement, les pays africains pourront tirer un maximum de profit dans leur diaspora mais cela nécessite une organisation et un partenariat entre l’Etat et les communautés des expatriés. Aussi il faudra trouver une solution aux frein liés au transfert d’argent compte tenu de fois du taux élevé des frais.

    Dr A. Fleury