Afrique : Quels sont les enjeux de raffineries de pétrole pour le continent ?
C’est avec beaucoup d’émotion et de grand espoir que l’Afrique a appris l’inauguration de la méga »Dangote Oil Refiner » dans la journée du 22 mai 2023. Pour honorer Aliko Dangote et le Nigeria, plusieurs Chefs d’État africains étaient à l’inauguration de « Dangote Oil Refiner » notamment les Présidents Mohamed Bazoum (Niger), Macky Sall (Sénégal), Nana Akufo-Addo (Ghana) et Faure Gnassingbé (Togo) et responsables nigérians.
D’un coût de 25 milliards $ US ce qui fait d’elle le plus gros investissement privé en Afrique, le Dangote Oil Refiner est un complexe unique en son genre en Afrique avec une capacité de traitement de 650.000 barils de brut par jour, « cela va donc permettreau Nigeria d’atteindre l’autosuffisance en matière de produits raffinés, et même d’avoir des réserves pour l’exportation », a souligné lors de sa mise en service, le Président Muhammadu Buhari.
Construite sur 2.635 hectares de terrain dans la zone franche de Lekki, « Dangote Oil Refiner » est donc la plus grande raffinerie à train unique au monde et fait du Nigeria le leader africain de raffinage de pétrole brut.
Cette inauguration accueillie en grande pompe montre l’enjeu que représente pour le Nigeria en particulier et pour l’Afrique les enjeux de disposer localement des raffineries de pétrole. Elles constituent pour le continent une grande opportunité de réduire les coûts d’importation très instables avecles fluctuations des prix. Traiter donc localement le pétrole brut est le meilleur moyen résoudre les problèmes des marchés mondiaux des carburants.
Que représente l’Afrique dans le marché mondial du pétrole ?
Depuis quelques années, l’Afrique est très courtisée pour son pétrole et l’on assiste à une véritable ruée sur son pétrole avec d’importantes découvertes et la mise en production de nouveaux gisements. Cela s’est accéléré avec le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne obligeant les occidentaux à diversifier leurs sources d’approvisionnement en misant sur le pétrole africain.
Ainsi, selon le rapport « State of African Energy Q1 2023 Report » (Rapport sur l’état de l’énergie en Afrique au 1er trimestre 2023) de la Chambre africaine de l’énergie, « l’offre de liquides en Afrique en 2023 a atteint près de 7 millions de barils par jour (Mbps/j), soit plus de 430 000 barils par jour (bpj) de plus que les niveaux les plus bas de l’Afrique en 2020, qui étaient d’environ 6,55 Mbpsj ».
La source a indiqué que l’Afrique profite du conflit russo-ukrainien, car « les approvisionnements énergétiques russes vers l’Europe continuent de diminuer » cependant que « l’Afrique est prête à augmenter ses exportations de pétrole et de gaz naturel vers le continent, et les approvisionnements pétroliers africains devraient rester stables tout au long de l’année 2023 et au-delà ». Dans le cadre des perspectives, le rapport a souligné que « l’approvisionnement en liquides de l’Afrique devrait contribuer à hauteur de 8 % du volume mondial au cours de l’année ».
Il faut aussi noter que la tendance de croissance de production pétrolière est « significative pour l’Afrique à l’horizon 2023 » par l’exploitation de gisement et « avec plus de 70 projets pétroliers et gaziers devant entrer en service d’ici 2025 ». Donc, « l’Afrique pourrait produire jusqu’à 2,3 millions de barils de brut par jour d’ici 2025 », ont estimé les observateurs du secteur pétrolier.
Bien que ce rapport rassure sur les perspectives encourageantes de l’industrie énergétique africaine, sinon sans raffiner le pétrole cela ne profitera pas vraiment aux économies du continent. Cette carence de raffinerie qui oblige même des Etats producteurs d’or noir d’importer cette matière première.
Quel est le rôle d’une raffinerie ?
Une raffinerie de pétrole est une usine qui transforme le pétrole brut en produits pétroliers. Elle peut produire différents types de produits pétroliers en fonction de ses capacités et de la demande du marché. Les principaux produits fabriqués par une raffinerie de pétrole sont :
- L’essence : utilisée comme carburant pour les véhicules automobiles.
- Le diesel : utilisé comme carburant pour les camions et les machines lourdes.
- Le fioul lourd : utilisé comme combustible pour les centrales électriques et les navires.
- Le kérosène : utilisé comme carburant pour les avions.
- Le gaz liquéfié de pétrole (GPL) : utilisé comme combustible pour les appareils ménagers et les véhicules.
- Les lubrifiants : utilisés pour réduire la friction entre les pièces mécaniques.
- Les matières premières pour l’industrie chimique : utilisées pour produire des produits chimiques tels que les plastiques, les engrais, les médicaments, etc.
Il est important de noter que la production de ces produits peut varier en fonction des spécifications de la raffinerie et des réglementations en vigueur dans le pays où elle est située.
Etat des lieux de la raffinerie en Afrique et les perspectives :
On comprend alors que la raffinerie est stratégique pour tout pays producteur de pétrole, mais son cout de construction et sa maintenance contribuent à sa rareté en Afrique. Selon MajorWaves Energy « seulement 23 % » des raffineries africaines fonctionnent pour les raisons que nous avons énumérées ci-haut. Plusieurs pays producteurs ou non d’hydrocarbures dépenses des millions et des milliards de dollars pour se procurer du pétrole indispensable à leur développement.
A titre illustratif, avant la mise en service de l’usine de raffinage de Dangote, le Nigeria, l’un des grands producteurs d’or noir d’Afrique disposait de quatre raffineries mais produisaient très faiblement. Compte tenu de sa carence à satisfaire sa demande locale, le pays importait des milliers de tonnes de produits pétroliers que l’Etat subventionne en dépensant des millions de dollars pour son transport. Pour satisfaire les demandes locales, le géant pétrolier échange son pétrole brut estimé à des milliards de dollars contre du carburant importé, qu’il va subventionner pour garder un prix artificiellement bas sur le marché, créant un gouffre financier. A titre illustratif, « en 2020, le géant économique d’Afrique de l’Ouest a dépensé 7,78 milliards de dollars pour importer des produits pétroliers raffinés. L’année suivant, la valeur de ces importations a même augmenté de 45 % pour atteindre 11,3 milliards $ ».
Ce système n’est pas sans effet, puisqu’il encourage la corruption et les autorités mêlées à ce business ne souhaitent pas que l’Etat puisse investir dans des secteurs sociaux (santé et éducation) pour endiguer la pauvreté dans ce pays grand producteur de pétrole mais dont la moitié de la population croupit dans la paupérisation. A cet effet, il faut savoir que le Nigeria a dépensé près de « 10 milliards $ en subventions aux carburants en 2022 », ce qui représente « environ 24 % du budget 2022 » et c’est un frein insoutenable aux finances publiques.
Nombreux pays sont confrontés aux mêmes problèmes que le Nigeria. Mais dans le rapport de la compagnie britannique d’analyse des performances de l’économie mondiale, GlobalData baptisé « Refining Industry Outlook in Africa to 2024″, elle a souligné que « la capacité de raffinage en Afrique devrait augmenter d’environ 55 % d’ici 2024. La capacité de traitement passera ainsi de 3,7 millions de barils par jour en 2020 à 5,8 millions de barils par jour en 2024 ».Le Nigeria lui seul contribuera à « hauteur de 71% à la croissance, soit 1,5 million de barils par jour de plus que la capacité actuelle de raffinage du pays », lit-on dans le document. Cette performance sera réalisée grâce au projet Lagos I, kwa Ibom III et Mashi.
Derrière le Nigeria, GlobalData cite l’Algérie qui va booster la capacité de raffinage du continent à « hauteur de 15% sur les quatre prochaines années. Les raffineries d’Hassi Messaoud III, Biskra et Tiaretauront « une capacité de 110 000 barils par jour pour la première et de 100 000 barils par jour pour chacune des deux autres ».
Enfin, l’Egypte avec« environ 100.000 barils par jour », grâce à la raffinerie Assiut II, et à l’extension des raffineries d’Alexandrie et de Mostorod II.
La construction de raffineries sur le continent est indispensable pour tout le continent pour traiter tout sont potentiel pétrolifère. Cela met l’Afrique à l’abri de pénuries et permet au continent d’économiser l’argent dépensé pour le raffinage. Cette enveloppe pourrait être réorientée dans les secteurs sociaux.