La Commission des Finances demande au gouvernement de clarifier sa position sur le décret N°161 relatif au programme Premier logement
La Commission des Finances, de développement et de la planification relevant de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) a décidé, jeudi, de donner au gouvernement un délai jusqu’au 22 février 2017, pour » préciser, rejeter ou rectifier » le décret N°161 de l’année 2017 datant du 31 janvier 2017 et fixant les conditions d’attribution des avantages relatifs au programme premier logement, et ce conformément à l’article 61 de la loi des finances de l’année 2017.
Lors d’une séance d’audition du ministre de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire Mohamed Salah Arfaoui, tenue par la commission, les députés intervenants, aussi bien ceux de l’opposition que ceux de l’alliance gouvernementale, ont été unanimes à relever la non-conformité du décret n°161 à l’article 61 de la loi de Finances 2017, s’inscrivant dans le cadre » des mesures sociales orientées vers une catégorie sociale déterminée et visant à lui faciliter l’acquisition d’un premier logement, à travers des prêts aux conditions favorables octroyées aux bénéficiaires à titre d’autofinancement ».
Les députés ont argumenté leur opposition à ce décret par le fait qu’il oblige le bénéficiaire à acquérir un logement auprès d’un promoteur immobilier, tout en fixant la liste des promoteurs concernés et en consacrant des domaines de l’Etat à des promoteurs pour réaliser des projets immobiliers.
Les députés ont ainsi demandé de laisser le choix au bénéficiaire d’acquérir un logement, sans lui préciser les parties auprès desquelles il devrait faire son achat, plaidant également pour le rejet de la proposition d’auto-construction avancée par le gouvernement pour élargir la portée de ce programme.
Le ministre de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, Mohamed SalahArfaoui a souligné, dans son intervention, que la révision de ce décret sera étudiée dans le cadre du conseil ministériel qui aura lieu le 22 février 2017.
Et d’ajouter que » le tribunal administratif saisi par les députés de la commission des finances pour trancher sur la non-conformité du décret 161 à la loi, pourra nous orienter vers la meilleure formule « .
Il a par ailleurs indiqué que son département a voulu, à travers l’accélération de l’émission de ce décret, de permettre au plus grand nombre de familles à revenu moyen d’acquérir un logement, en leur facilitant l’octroi de prêts à conditions favorables, à titre d’autofinancement, à travers une ligne de financement d’un montant de 200 millions de dinars mobilisée à cette fin.
Et de poursuivre » notre objectif était de limiter, autant que faire se peut, les constructions anarchiques, et de préserver les terres agricoles, en encourageant la construction verticale « . » Nous n’avons aucun intérêt, avec aucun promoteur immobilier « , a-t-il encore souligné.
Le ministre a par ailleurs précisé que l’orientation du ministère était d’émettre un deuxième décret fixant les modalités d’achat d’un logement auprès d’un privé, et un troisième pour l’auto-construction qui exige des procédures juridiques différentes, selon la nature du logement, son emplacement , la méthode retenue pour le construire et pour suivre l’avancement de sa réalisation.
Le ministre de l’équipement a ajouté que l’objectif de publier la liste des promoteurs inscrits dans le programme, est de garantir plus de transparence et de faciliter l’opération d’identification des bénéficiaires.
Il a précisé que la liste a été élaborée en collaboration avec la chambre syndicale nationale des promoteurs immobiliers sur la base de critères précis pour garantir l’équité des opportunités. Elle est ouverte à tous les promoteurs qui désirent adhérer à ce programme à condition d’offrir des logements répondant aux normes décrites par la loi.
Une vive tension a été provoquée au sein de la commission. Certains députés (front populaire) ont menacé de bloquer ce décret allant jusqu’à son annulation.
S’adressant au ministre, le député Mohamed Ben Salem( Ennahda) , a affirmé » En tant que députés appartenant à l’alliance au pouvoir, nous sommes dans une situation dérangeante avec ce décret qui limite la liste des promoteurs immobiliers » . » Nous ne défendons pas l’erreur mais on essaye de la corriger « , a-t-il encore ajouté.
Le parlementaire Nooman El Euch (groupe démocratique) a appelé le ministre de l’équipement à donner sa démission.
De même, le député Tarek Ftiti a indiqué : » on a examiné pendant trois jours, le projet de loi relatif au programme de logement présenté par le gouvernement et qui cible une catégorie bien précise et on a constaté la nécessité d’annuler le principe d’acquérir un logement auprès de promoteurs choisis.
La députée du Courant démocratique Samia Abou a estimé que » la publication de cette version du décret est un scandale « .
» L’objectif de ce projet de loi n’est pas de permettre à des catégories ciblées à acquérir un logement, mais à aider les promoteurs, et même à leur accorder des terres domaniales pour réaliser leurs projets » a encore martelé Abou.
Elle a ajouté que ce décret impose une liste qui détermine les promoteurs et les régions ou on doit acquérir un logement.
Par ailleurs, Yamina Zoghlami ( Ennahda) a appelé les députés à assumer leurs responsabilités et de ne pas accepter la discussion d’un projet de loi s’il n’est pas accompagné des décrets réglementaires et d’application.