Crise russo – ukrainienne : Encore une révélation de la fragilité agricole africaine et l’absence de perspectives 

    Depuis le déclenchement du conflit militaire entre le « poids lourd » russe contre son voisin ukrainien, une grande partie du monde est plongée dans une crise céréalière et la flambée de prix de certaines denrées alimentaires. Bien que loin de l’épicentre du conflit, les prix ont grimpé dans plusieurs capitales africaines qui dépendent pratiquement ou à une moindre mesure de l’importation du blé de ces deux pays. Plusieurs gouvernements ont mis sur pied des cellules de crise et de réflexion pour veiller au gré sur le respect des prix dans les marchés et supermarchés. D’autres pays ont même augmenté le prix du pain et autres produits à base de blé.  

     

    Excès de dépendance à l’importation et manque de prévision : 

    En Afrique, les plus gros importateurs du blé russe et ukrainien sont l’Egypte (13 millions de tonnes), l’Algérie (7,7 millions de tonnes), le Nigeria (5,5 millions de tonnes), le Maroc (4,5 millions de tonnes), le Soudan (2,7 millions de tonnes). A cette liste s’ajoute le Bénin, qui importe « 100 % de blé russe » et la Somalie qui se ravitaille « à 70 % en Ukraine et 30 % en Russie ». En somme, la Russie fournit à l’Afrique environ « 32 % » du blé consommé sur le continent tandis que « 12 % » de l’Ukraine. L’Afrique Centrale n’est pas aussi épargnée des effets de la crise céréalière. A lui seul, le blé représente « environ 90 % des échanges de l’Afrique avec la Russie et près de la moitié des 4,5 milliards de dollars de ceux avec l’Ukraine » a indiqué le président de la Banque Mondiale dont les propos ont été repris par le quotidien marocain Le Matin. 

    Si l’Ukraine, dont le réseau de distribution a été saccagé par les bombardements et surtout que les agriculteurs ne peuvent exercer, la Russie quant à elle se voit priver d’exportation compte tenu des sanctions européennes et américaines. Si ces facteurs privent l’Afrique d’importer du blé, il y a aussi lieu de déplorer qu’elle ait aussi contribué à cette rareté de blé dans les ménages de ses habitants par manque de prospectives et perspectives, notamment une absence d’initiative de prévision. 

     

    Risque d’endettement, de famine ? 

    A peine que les Etats africains tentent de se relever de la pandémie de Covid-19, ils doivent faire face aux effets de la crise russo-ukrainienne qui frappe de plein fouet leur économie. 

    Parallèlement, à la rareté du blé, l’ONG Oxfam vient de tirer la sonnette d’alarme sur la conséquence de cette guerre : « La hausse du prix des denrées alimentaires causée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’augmentation des coûts de l’énergie pourraient plonger un quart de milliard de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté », a averti Oxfam dans un communiqué publié le 12 avril 2022. L’ONG anglaise fait observer que les pays très endettés risqueraient de procéder une réduction de leurs dépenses publiques pour « faire face à la hausse du coût de l’importation de carburant et de nourriture ». C’est pour cela que l’Oxfam a demandé aux institutions financières internationales l’« annulation des remboursements de la dette pour cette année et la prochaine pourrait libérer 30 milliards de dollars (23 milliards de livres sterling) pour des dizaines de pays les plus endettés ». 

     

    Ventre affamé n’a plus d’oreille. Risque de troubles sociaux ? 

    Partout, la crise du blé, du carburant, … se fait sentir et l’inflation galope. En Egypte, elle est à 12,6%, en Tunisie elle a atteint « 7,2% », au mois de mars 2022, contre 7% en février et 6,7% en janvier, a indiqué l’Institut National de la Statistique (INS). L’Afrique subsaharienne n’échappe pas aussi à cette augmentation de prix des produits de première nécessité. Il y a donc un grand risque que des pays enregistrent des protestations contre la vie chère comme dans les années précédentes. On craint un scénario identique qui pourrait précipiter la chute de certains régimes ou de changements de Gouvernement. Déjà, en Côte d’Ivoire, le Premier Ministre, Patrick Achi a présenté sa démission et « une équipe resserrée sera mise en place pour plus d’efficacité et tenir compte de la conjoncture économique mondiale. Il est impératif de réduire les dépenses de l’Etat en les réorientant vers la résilience sociale et sécuritaire », a indiqué le Président de la République, Alassane Ouattara. 

    Devant les risques sociaux que comportent cette flambée de prix, gouvernés et gouvernants doivent se « serrer la ceinturé » en optant pour la résilience et surtout revenir à la consommation locale pour réduire l’extrême dépendance au blé importé.  

    A. Fleury