Dépréciation du dinar : l’euro s’échangera à 3 dinars durant les prochains mois (Expert)

    « Le dinar n’a cessé de se déprécier, ces dernières années, par rapport au cours des devises étrangères de référence (l’euro, le dollar et le yen), et voici que l’euro s’échange mercredi, à 2,55 dinars. Je pense que la situation va s’aggraver davantage et que la valeur de l’euro atteindra 3 dinars, durant les prochains mois », a déclaré Mourad Hattab, économiste, membre du « Centre de Prospective et d’Etudes sur le développement » , à l’agence TAP.
    « Le dinar a perdu 50% de sa valeur en comparaison avec les cours du dollar et de l’euro, durant les 10 dernières années, mais le rythme de cette dépréciation s’est accéléré d’une manière vertigineuse depuis 2011. En faisant la comparaison avec l’année précédente (avril 2016-avril 2017), on remarque que le dinar s’est déprécié de 13,6% (par rapport à l’euro et au dollar). Par rapport au yen, qui fait partie, depuis quelque temps, des monnaies d’endettement, le dinar s’est déprécié de 18%, durant toute l’année 2016 », a t-il précisé.
    Réserves en devises : la Tunisie se situe au seuil d’insécurité—————————————————————–
    Toujours selon l’expert économique, ceci se répercute directement sur les réserves en devises, qui sont estimées, à la date du 17 avril 2017, à 12 milliards de dinars, soit l’équivalent de 104 jours d’importation.  » La Tunisie se situe, ainsi, au seuil d’insécurité en termes de réserves en devises, étant donné que ce seuil est normalement, fixé à 110 jours d’importation ».
    Hattab a fait savoir que « les autorités n’excluent pas de laisser le dinar glisser sans intervention, car notre monnaie locale est considérée, selon le FMI, comme surévaluée (d’un taux variant entre 6 et 10%) par rapport aux monnaies de références étrangères « .
    De même  » tout le contexte général, marqué notamment d’un endettement insoutenable, a fait que le dinar subi de plein fouet une conjoncture économique très délicate qui va le mener à se déprécier davantage contre l’euro (1 euro s’échange contre 3 dinars), et les autres monnaies vont suivre car les cotations se font dans une logique d’effet d’entrainement « .
    Accroissement prévu du service de la dette de 12% en 2017————————————————————————-
    Pour l’expert, « Tout cela aura des répercussions directes surtout sur le service de la dette (la somme des dépenses de l’Etat consacrée au remboursement des intérêts de sa dette), qui va s’accroitre d’une manière très sensible, en 2017, de 12, voire de 13%, ce qui va entrainer le creusement davantage du déficit des finances publiques en Tunisie ».
    La dépréciation du dinar aurait des conséquences, également, sur les déficits jumeaux (courant et commercial), qui seront amplifiés encore, puisque le rythme des importations est beaucoup plus soutenu que celui des exportations.
    Dans ce cadre, Hattab a fait savoir que le déficit commercial consolidé en termes de régime général s’élève, à fin 2016, à 20,7 milliards de dinars.
     » Toute cette situation va mener à une inflation galopante qui touchera tous les produits de consommation, surtout que la Tunisie est devenue un pays importateur par excellence de tous ses besoins « , a-t-il estimé, rappelant que la valeur des importations a atteint, à fin 2016, 42 milliards de dinars.
    Par conséquent, la situation sera marquée par la régression de la consommation publique et privée (en raison de la hausse des prix), d’où la baisse des liquidités, de l’investissement et par conséquent le blocage de la création de nouveaux postes d’emploi.
    D’après lui,  » tout cela se traduira par une pauvreté beaucoup plus généralisée, des crises sociales et une crise systémique sectorielle qui touche tous les domaines d’activités « .
    Rationaliser les importations pour arrêter l’hémorragie du dinar——————————————————————————
    Afin de faire face à cette situation, l’expert économique a recommandé de rationaliser les importations pour arrêter l’hémorragie du dinar et sauver la société tunisienne d’une crise socio-économique.
     » Il suffit de réduire de 10% la valeur des importations pour épargner une enveloppe de 4 milliards de dinars, qui servira à payer le service de la dette pour 2017. Et si nous parvenons à réduire ces importations encore de 10% (20% au total), ce montant supplémentaire (de 4 milliards de dinars) peut être alloué pour renforcer le développement régional du pays « , a dit Hattab, rappelant que  » nous disposons déjà d’un budget de 5 milliards de dinars pour le développement régional, au titre de l’année 2017 « .
    Avec ces financements additionnels, « nous serons en mesure de résoudre beaucoup de problèmes dans toutes les régions du pays (développement, infrastructure, emploi…), ce qui permettra d’atténuer le malaise régional et social, et par conséquent de parvenir à réaliser des taux de croissance acceptables aux alentours de 2% », at-il conclu.