Face à la pauvreté hydrique, la Tunisie doit réviser sa politique agricole et investir pour une meilleure gestion de l’eau (Experts)

    La population tunisienne se trouve, aujourd’hui, avec une part de 467m3 d’eau par personne par an, en dessous du seuil de pauvreté hydrique, estimé à 500 m3 par personne. Les ressources en eau conventionnelles vont encore diminuer et cette part devra se situer, à l’horizon 2030, à seulement 350 m3/par habitant par an.
    La situation devient alarmante et n’est pas sans répercussion sur la croissance économique et le développement humain dans un pays déjà exposé à d’autres problèmes socio-économiques et aussi à des défis climatiques, estiment des experts et des responsables chargés des ressources en eau, réunis, mercredi, à Tunis, à l’occasion du 4ème forum économique de l’IACE « Tunisia Economic Forum » (27 juin 2018).
    L’experte en gestion des ressources en eau, Raoudha Gafrej, a mis en garde contre la rareté des ressources en eau et aussi contre la détérioration des infrastructures de l’eau en Tunisie, qui engendre le gaspillage des ressources déjà rares.
     » Il y’a aujourd’hui, un risque réel d’une détérioration plus durable de l’infrastructure de l’eau et de l’assainissement comme l’atteste la dégradation des indicateurs de performance de la SONEDE et de l’ONAS, aggravés par la situation du pays post-révolution (fuites et pertes de l’eau, casse, coupure d’eau, eau usée épurée non conforme aux normes…) », a expliqué la spécialiste en gestion des ressources en eau.
    Des pistes pour pallier la mauvaise gestion et la vétusté des infrastructures
    Pour faire face à cette situation, Gafrej a appelé à l’utilisation de technologies d’économie d’eau, à créer des synergies et une cohérence entre les agendas politiques et les agendas des changements climatiques et ceux de l’eau de différents usages. D’après elle, il faut aussi réviser la tarification de l’eau et la politique agricole en général, d’autant plus que 83% des ressources utilisées sont destinées à l’agriculture et seulement 17% sont destinées à l’eau potable, selon la SONEDE.
    « Il faut investir pour les 10 prochaines années pour garantir une gestion rigoureuse de l’eau à travers la modernisation et l’entretien de l’infrastructure des périmètres irrigués », a encore recommandé l’experte, qui a plaidé en faveur de la mise en œuvre d’une politique d’amélioration de la qualité des eaux traitées pour encourager leur utilisation en vue de pallier la pénurie des ressources conventionnelles.
    Par ailleurs, le Président directeur général de la SONEDE, Mosbah Helali, a mis l’accent sur la nécessité d’assurer une gestion globale de l’eau par le renforcement des transferts d’eau (nord-nord et centre -Nord), l’amélioration de la performance des réseaux d’eau et la gestion intelligente des ressources en eau aussi bien au niveau de l’offre qu’au niveau de la demande.
    Le responsable a précisé, dans ce contexte, que 86% des ressources en eau de bonne qualité sont localisées dans le nord du pays.
    Selon une étude sur les politiques économiques et la contrainte des ressources rares en Tunisie, élaborée par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises(IACE) et présentée à « Tunisia Economic Forum », un effort additionnel en termes de valorisation des ressources en eau en Tunisie permettrait de réaliser une valeur ajoutée estimée à 3800 millions de dinars et une économie d’eau de l’ordre de 429 millions de m3.
    L’étude a aussi montré que les politiques sectorielles et les négociations avec l’UE dans le cadre de l’accord ALECA devraient tenir en compte la rareté des ressources en eau.
    La Tunisie doit gérer la rareté des ressources en eau au niveau de l’offre et aussi la demande et doit ainsi opter pour la réaffectation des ressources et aussi leur valorisation.
    Intervenant à l’ouverture du forum, dédié cette année à la contrainte des ressources rares en Tunisie, le président de l’IACE, Taieb Bayahi a indiqué que « la rareté des ressources en eau est désormais une problématique urgente et même brulante pour l’économie du pays, surtout dans un contexte de transition politique économique et sociale particulièrement difficile ».
    « Il est nécessaire de transformer ces difficultés en opportunités pour donner à la Tunisie un nouvel élan d’une croissance soutenue durable et irréversibles mais aussi et surtout inclusive, équilibrée, juste et profitable à tous », estime Bayahi.
    En effet, de nombreuses études ont évoqué la rareté des ressources en eau, dont une intitulée « Pauvreté et crise hydrique en Méditerranée ». Cette étude a montré que la Tunisie, comme la Jordanie, la Lybie, Malte, les Territoires palestiniens, ont en commun une situation de pauvreté hydrique (500 m3 par habitant et par an).
    « La crise hydrique qui touche la rive Sud de ce bassin est le résultat de mauvaises politiques et de faiblesses institutionnelles qui pénalisent en premier lieu les couches les plus pauvres de la population », indique l’étude qui évoque aussi des obstacles d’ordre financier, social et environnemental.
    Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), la consommation d’eau a augmenté plus de deux fois plus rapidement que la population au cours du siècle dernier. Il y’a, cependant, suffisamment d’eau douce sur la planète, mais sa répartition est inégale et trop d’eau est gâchée, polluée et gérée de façon non durable, estime l’ONU.