Introduction
L’univers de la formation d’adultes a beaucoup évolué ces dernières décennies en favorisant des approches innovantes et attractives. Dans ce contexte, les jeux d’entreprise, les Serious Games, les Business Games, … sont des appellations qui font référence à l’usage d’une pédagogie active lors du processus d’apprentissage en milieu académique et industriel.
Par définition, une pédagogie active a pour objectif de rendre l’apprenant acteur de ses apprentissages, afin qu’il puisse construire ses propres savoirs à travers des situations ludiques. S’agit-il d’une approche d’apprentissage efficace ou un simple effet de mode ? Il serait intéressant de connaître les fondements de cette approche et d’analyser ses apports potentiels dans le domaine de formation d’adultes dans les institutions académiques et bien sûr en industrie.
Constat : apprend-on par choix ou par obligation ?
L’objectif ultime de tout formateur ou enseignant est de réussir à attirer l’attention de son audience le plus longtemps possible. Or, plusieurs facteurs empêchent l’atteinte de cet objectif : des facteurs (internes) liés au formateur ou à l’enseignant (compétences, capacités de communication, …) mais aussi des facteurs (externes) liés à l’environnement dans lequel se déroule le processus d’apprentissage. En effet, cette deuxième catégorie de facteurs est omniprésente en Tunisie (surtout en cette période de post-révolution…) que ce soit en milieu académique ou industriel pour plusieurs raisons. Dans ce sens et dans la majorité des cas malheureusement, l’apprenant favorise l’obtention des diplômes sur l’acquisition de vraies connaissances ou compétences. Il s’agit même d’une obsession ! En milieu académique, avoir un diplôme ‘à tout prix’ a logiquement contribué à un déséquilibre flagrant dans le marché de travail entre une offre trop exigeante et une demande caractérisées par des lacunes de plus en plus incontestables. En milieu industriel, la situation est semblable et même pire, car souvent l’organisation, par une entreprise, de sessions de formations n’obéit à aucune logique : des thématiques mal choisies, absence totale d’une évaluation objective post-formation, … De son coté l’apprenant (cadre, opérateur, …) assume également une part non négligeable de responsabilité : les sessions de formation représentent pour beaucoup des occasions pour ‘décompresser’ et sortir du stress quotidien du travail. La dépendance aux smartphones n’a fait qu’aggraver cette situation de désintéressement presque total ! Donc, il est évident que dans ces conditions parler de notions basiques telles que ponctualité, assiduité, valeur ajoutée, … devient anecdotique !
Une solution ?
Ce constat d’échec du mode actuel d’apprentissage et de transmission des connaissances est confirmé par des études scientifiques sérieuses. En effet, plusieurs études sur l’efficacité des modes de perception et de mémorisation ont été réalisées et ont montré l’importance d’un apprentissage axé sur l’action : parler, manipuler, faire, … Plus ces actions sont favorisées pendant l’apprentissage, plus le cerveau humain est stimulé, et par conséquence les connaissances acquises sont plus facile à être mémorisées sur le long terme.
Or, pour contourner les lacunes de l’apprentissage classique basé sur un acteur-spectateur, plusieurs approches ont été proposées. Dans ce sens, et en l’absence d’une évaluation objective de l’efficacité réelle des formations dites ‘à distance’ type e-learning, blended-learning, …, la plus importante approche qui permet de remédier à ces lacunes reste sans doute l’apprentissage par les jeux.
Le jeu d’entreprise au cœur de la pédagogie active
S’il vous arrive d’entendre des participants à une formation s’exclamer : « Comment, déjà midi ? », ou bien : « Mais nous avons sauté la pause ! » c’est probablement qu’ils sont engagés dans un jeu d’entreprise et sont tellement pris par l’action qu’ils en oublient le temps qui passe. La première caractéristique d’un Jeu d’entreprise est la passion qu’il suscite chez les participants. Cette passion tient à ce que le Jeu d’entreprise relève de la pédagogie active. Une pédagogie dans laquelle l’apprenant ne se contente pas d’écouter passivement un formateur : il est placé en position d’acteur et joue un rôle moteur dans son propre apprentissage. Le participant à un Jeu d’entreprise étudie des données, choisit des paramètres, définit une stratégie, prend des risques, cherche également à convaincre ses partenaires. Plutôt que d’apprendre des règles abstraites qu’il appliquera un jour à des situations concrètes, il affronte des situations proches de la réalité pour en tirer des règles qu’il aura lui-même élaborées. Il s’agit d’une démarche expérimentale, inductive plutôt que déductive. Cette démarche présente plusieurs avantages :
- Elle est bien adaptée à l’enseignement des sciences de l’action telles que le management d’entreprise, là où les modèles théoriques sont loin de représenter la réalité de façon exacte.
- Elle habitue les participants à prendre des décisions en situation d’incertitude, quand les erreurs sont admises puisque c’est souvent de l’erreur elle-même que vient la leçon.
- Elle est adaptée à un public peu familier avec la manipulation des concepts abstraits, à ceux qui ont besoin de voir et de toucher pour comprendre.
- Parce qu’elle favorise la liberté d’expression, elle permet aux participants d’exercer leur créativité et leur imagination, qualités peu exprimées dans l’enseignement traditionnel.
- Parce qu’elle requière une décision collective, elle entraîne les participants au travail en équipe et à la collaboration.
- Ajoutons que le rôle d’acteur confié aux participants d’un Jeu d’entreprise ne réduit pas l’importance du rôle confié au formateur. S’il n’est plus « celui qui transmet son savoir », il demeure celui qui anime la simulation et qui, en fin de séance, aide les participants à formaliser ce qu’ils ont appris et à faire le lien avec le cours auquel ils auront l’occasion ensuite de se référer.
Le jeu permet d’illustrer un propos, de mettre en œuvre une stratégie, il permet d’expérimenter et facilite la compréhension et l’adhésion. Il offre la possibilité à chaque participant de s’impliquer dans la journée de formation ou d’intégration, de devenir acteur et non plus spectateur. Le formateur peut observer les comportements, vérifier que les éléments essentiels de sa formation sont acquis, mettre en place des points d’ancrage en les illustrant par la pratique. La prise de risque, la gestion du temps, le leadership, la prise de décision, la gestion de conflit, la prise de parole, la créativité, tous ces thèmes de formation sont autant de jeux potentiels…
Conclusion
L’usage du jeu en formation a prouvé ses apports, y compris en formation d’adultes. Le jeu est impliquant, riche en émotions partagées, ce qui en fait un excellent vecteur de remise en cause des idées reçues, de compréhension et de mémorisation.
Pour plus d’informations : www.cipe.fr
Salah Bousbia
Consultant-Formateur