Possible recours de l’Exécutif à un projet de loi des finances complémentaire pour l’année 2019
Le gouvernement élaborera un projet de loi des finances complémentaire pour l’année 2019, affirment des économistes de la place, surtout après la décision d’augmenter les salaires des fonctionnaires de la fonction publique, laquelle augmentation n’a pas été incluse dans le budget de l’année 2019.
Selon les mêmes experts, un creusement du taux du déficit budgétaire, estimé actuellement à 3,9%, est probable pour l’année 2019, suite à l’accord sur l’augmentation des salaires des agents publics non programmée pour cette année dans le budget.
L’exécutif a établi la valeur du budget pour l’exercice 2019, à près de 40,86 milliards de dinars dont 16,5 milliards de dinars consacrés au paiement des salaires dans le public, soit 14,1% du volume global du budget, mais n’a pas tenu compte dans ce montant des augmentations de salaires.
L’annulation de la grève impacterait négativement le budget
Le professeur d’économie à l’université tunisienne Ridha Chkoundali a déclaré, à, l’agence TAP, que le taux du déficit budgétaire augmenterait dans le cadre de la loi des Finances complémentaire de l’exercice 2019, compte tenu de la non inclusion de l’augmentation des salaires des agents de la fonction publique dans le budget initial pour l’année 2019.
L’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) avait menacé d’une grève générale dans la fonction publique et le secteur privé les 20 et 21 février courant, mais une convention a été paraphée le 7 février 2019 avec le gouvernement concernant l’augmentation des salaires des agents de la fonction publique, en vertu de laquelle la grève est annulée.
Une grève générale de la fonction publique a, en fait, eu lieu le 17 janvier dernier à l’initiative de l’UGTT, laquelle grève a paralysé toutes les entreprises publiques leur faisant subir de grandes pertes. L’UGTT explique sa demande d’augmentation des salaires par la détérioration continue du pouvoir d’achat.
Les augmentations pour les cadres de la fonction publique oscillent entre 170 et 180 dinars alors que pour les employés elles sont estimées entre 135 et 155 dinars. Ces augmentations se calculent sur 12 mois, la première tranche devant être perçue en mars 2019, alors que la deuxième tranche sera décaissée à la fin du mois de janvier 2020, avec un effet rétroactif. Quant à la troisième tranche elle sera décaissée sous forme d’impôt pour 2020 inclus dans le salaire brut à partir du mois de janvier 2021, selon le document de l’accord.
D’après Chkoundali, le Gouvernement a commis une erreur en adoptant le projet du budget 2019, avant l’accord sur l’augmentation des salaires pour la fonction publique, indiquant que l’inclusion des augmentations non programmées pourrait avoir un impact négatif sur le budget, surtout si une hausse des cours du pétrole est enregistrée sur le marché international, » ce qui obligera l’Etat à l’emprunt, provoquant par conséquent l’augmentation du taux du déficit budgétaire ». Pour rappel le gouvernement compte emprunter environ 10 milliards de dinars cette année.
Il estime que la hausse des salaires pourrait ne pas avoir d’impact sur les équilibres financiers si le prix du baril demeure bas, expliquant que le maintien du prix du baril en deçà de celui adopté par le gouvernement dans le budget (75 dollars) est de nature à renflouer les finances publiques.
Le budget de l’Etat pour 2019 a été calculé sur les hypothèses suivantes:un taux de croissance de 3,1%, un déficit évalué à 3,9% et un prix du baril de pétrole (BRENT) estimé à 75 dollars. Le prix du baril du pétrole est actuellement de 62 dollars après avoir été aux environs de 50 dollars au cours de la dernière période.
L’économiste a indiqué que l’Etat pourrait recourir aux titre des dépenses imprévues estimées cette année à 495 MD, outre l’adoption de l’austérité dans les dépenses afin d’éviter les impacts négatifs sur la finance publique dus à l’augmentation des salaires.
Des finances publiques très précaires
Même son de cloche pour l’ex-ministre des finances et expert en économie, Hakim Ben Hammouda, qui voit que l’exécutif a la possibilité de s’appuyer sur le titre des dépenses imprévues et de réduire ses propres dépenses pour préserver les équilibres financiers et maintenir le taux de déficit actuel.
Par contre il a estimé qu’il est difficile de maintenir le taux de déficit budgétaire actuel à l’heure de l’augmentation des salaires dans la fonction publique et la persistance de l’ascension des cours du pétrole ainsi que le glissement du prix du dinar, affirmant que « les finances publiques sont très précaires ».
Ben Hammouda a souligné, à l’agence TAP, que les estimations du budget de l’Etat pour l’année 2019 étaient optimistes et dénuées de réalisme, vu les changements imprévus du prix de change et du prix du pétrole sur le marché international et les augmentations non attendues, à l’instar de l’augmentation des salaires dans la fonction publique. C’est la raison pour laquelle, un nouveau projet de loi de finances complémentaire pour l’année 2019, devrait voir le jour, comme chaque année pour ajuster les dernières estimations en se basant sur les nouveaux changements imprévisibles, estimant que le taux du déficit budgétaire serait plus de 3,9%.
Le gouvernement a, en effet, toujours fait face aux critiques de l’UGTT pour avoir obtempéré aux conditions du Fonds monétaire international (FMI), dont le gel des salaires des agents de la fonction publique contre l’obtention d’emprunts auprès de cette institution.
Pour rappel, les autorités œuvrent à réduire en 2020 la masse salariale de 14% actuellement à 12, 5%.