TUNIS – (TAP/ Sonia ben Abdallah)- La Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) affiche un manque de transparence évident et un retard en matière de bonne gouvernance.
Son devenir reste intimement lié à sa capacité de se rattraper pour gérer, dans la transparence totale, son modèle de gouvernance, a constaté le 3ème Forum de la gouvernance organisé, le 08 octobre 2015, par l’Instiut arabe des Chefs d’entreprises (IACE).
Pour simple preuve, les informations relatives à ses activités ne sont pas disponibles. Pour confirmer ce constat, il suffit de consulter le site Web de la société, un portail qui ne contient que des statistiques relativement limitées et sans aucune mise à jour.
A titre d’exemple, les dernières données sur la production de phosphate brut ou sur l’évolution des ventes, remontent à l’année 2014 (production de 3,793 millions de tonnes).
Cette question d’opacité a été soulevée par des journalistes avec des responsables de la CPG, lors d’une visite au siège de la compagnie à Métlaoui, organisée dans le cadre d’une formation sur la gouvernance des ressources naturelles.
« Toutes les portes de la CPG sont ouvertes et nous n’avons rien à cacher », a rétorqué Ali Houicheti, chargé de communication au sein de la CPG. Et le responsable d’ajouter, sur un ton ironique « nous n’avons pas de dossiers « Panama Papers » au sein de la CPG et toutes les données relatives aux bénéfices et au volume de production de phosphate sont régulièrement publiées dans les médias, au millime près ».
« La bonne gouvernance, la transparence.. C’est du bla-bla.. »!
Existe-t-il, au sein de la CPG, une cellule de bonne gouvernance chargée d’instaurer des pratiques de transparence et de lutte contre la corruption, conformément au circulaire 2012-55 du 27 septembre 2012, de la présidence du gouvernement?, avaient demandé des journalistes de TAP. « Tout ça, c’est du Bla Bla. La CPG est l’une des entreprises publiques les plus contrôlées », a répliqué, nerveusement, le chargé de communication.
Prenant cette question à cœur, le responsable rappelle, non sans fierté, que tous les états financiers de la société, ainsi que le volume de sa production et ses plans d’action, sont soumis à des audits internes réalisés par les auditeurs de l’état, outre les audits externes, les rapports de la cour des comptes et le contrôle du conseil d’administration formé de 12 membres désignés par l’Etat y compris le PDG.
Or, une simple consultation de l’organigramme de la société permet aisément de prouver le contraire. A ce jour, la gouvernance administrative de la compagnie, qui n’a pas d’administrateur indépendant, est toujours basée sur un schéma classique. A savoir, un président directeur général (PDG), à la tête d’un Conseil d’Administration qui a un rôle consultatif.
La CPG est sous la tutelle du Ministère de l’Energie et des Mines et plus exactement sous la Direction Générale des Mines. Il revient à cette autorité de tutelle, de prendre toutes les décisions au niveau de l’entreprise.
En plus, le conseil d’administration ne semble pas suivre un règlement intérieur quelconque répondant à n’importe quelle éthique.
Il n’existe aucun outil d’évaluation de la qualité du Conseil d’Administration. Aussi, il n’y figure pas un administrateur public membre. Sans oublier qu’une part des difficultés de gouvernance de la CPG est due à la centralisation du pouvoir décisif au niveau de la capitale.
Un conseil ministériel (CM), réuni le 13 avril 2015, avait pris la décision d’effectuer un audit relatif à la gestion de la CPG et à ses filières dans l’espoir d’y instaurer des règles de bonne gouvernance. Mais, cet audit, n’a pas été fait et attend toujours des jours meilleurs, apparemment.
S’il a été effectué, il aurait aidé à mettre en place des mesures prévues de décentralisation du pouvoir de décision au sein de l’entreprise et à mieux gérer ses filières. Car, la compagnie aura, dans ce cas, deux PDGs. Le premier sera chargé uniquement de la production et s’installera au siège de la compagnie à Gafsa, alors que le deuxième se consacrera à la commercialisation de sa production à l’échelle mondiale.
En outre, dans un souci de bonne gouvernance, la CPG a crée 4 fonds, à savoir un fonds d’essaimage, un fonds social et un fonds de redéploiement et de développement du bassin minier.
Néanmoins, tous ces fonds, pour lesquels la CPG consacre près de 25 millions de dinars par an, ne disposent d’aucune information publique sur leur gestion et leurs ressources qui restent sous le contrôle exclusif de l’entreprise et des auditeurs de l’Etat.
Le même constat est établi concernant les financements destinés à la création de petites et moyennes entreprises (PME) dans le bassin minier pour embaucher des milliers de chômeurs de la région.
La CPG mobilise une enveloppe mensuelle de 5 milliards au titre des salaires des 7 mille employés de ces sociétés, sortes de filiales à la gouvernance opaque, opérant dans le domaine de la propreté et la maintenance des espaces verts dans les villes minières.
La CPG n’est pas l’Etat!
D’après Houicheti, les habitants de la région du bassin minier font l’amalgame entre l’Etat et la CPG, qui demeure à capacité limitée d’emploi. Il rappelle, par ailleurs que la compagnie emploie actuellement 7 mille personnes.
« Si nous ne parviendrons pas à produire 6 millions de tonnes pour l’année 2016, la situation risquera d’empirer et la CPG sera déficitaire », a -t-il prévenu, rappelant que le rythme de la production a chuté de 40% par rapport à 2010, année de référence.
La crise sociale et politique dans le pays a eu un impact négatif sur la productivité de la société. Durant les 5 dernières années, la CPG a enregistré des pertes évaluées à 5 mille milliards.
La bonne gouvernance, le grand défi à relever
Pour garantir une gestion transparente de la compagnie, l’IACE a recommandé, notamment, de limiter les ingérences politiques dans les décisions techniques de la société, définir des rôles et des structures claires pour les actionnaires publics et limiter le nombre d’actionnaires publics pour promouvoir une gestion cohérente.
Il faut aussi mettre en place des conseils d’administration professionnels et indépendants et procéder aux nominations des administrateurs selon un processus bien défini et basé sur le mérite.
La société est, par ailleurs, appelée à diffuser le plus possible de données clés au public, de communiquer les recettes, les dépenses, les flux de revenus, réaliser des audits financiers indépendants et les publier et faire appel à des professionnels indépendants compétents pour réaliser les audits et assurer l’accès des citoyens à leurs résultats.