L’absence de vision et le manque de courage politique bloquent la réforme des entreprises publiques (Hakim Ben Hammouda)
La situation des entreprises publiques continue de peser sur l’économie nationale, malgré toutes les annonces faites concernant d’éventuelles stratégies de réforme. Dans un entretien accordé à l’agence TAP, Hakim Ben Hammouda, ex-ministre de l’Economie et des Finances, évoque les raisons et les conséquences du retard de ces réformes.
Pensez-vous qu’il y a aujourd’hui une réelle volonté de réformer les entreprises publiques ? Si oui, pourquoi cette réforme a pris un tel retard ?
Je crois que la plupart des gouvernements avaient dans leurs priorités la réforme des entreprises publiques, car elles représentent aujourd’hui une lourde charge sur les finances publiques et le budget de l’Etat. Du coup, la politique de réduction des déficits exige nécessairement une réforme des entreprises publiques. Mais, c’est vrai que cette réforme a pris beaucoup de retard. Plusieurs raisons expliquent ce retard dont l’absence de visions claires et d’une approche stratégique pour réformer ces entreprises, comme parfois le manque de courage politique du fait des conséquences sociales que ses réformes peuvent entraîner.
Quelles conséquences, pourrait avoir ce retard ?
Les entreprises publiques connaissent depuis plusieurs années de grandes difficultés. Ces difficultés se sont accentuées après la révolution dans la mesure où elles ont été obligées de recruter plusieurs milliers de collaborateurs qui travaillaient par le passé pour des sociétés de sous-traitance. Les coûts de ses sociétés ont beaucoup augmenté sans que ceci ne se traduise par une augmentation de leur productivité. Ce qui a engendré d’importantes pertes et a accentué leurs déficits.
Cette situation a des effets négatifs sur notre économie au moins à trois niveaux. Le premier concerne les conséquences sur le Budget de l’Etat et les finances publiques. Au lieu d’apporter des recettes importantes au Budget de l’Etat comme c’était le cas de la CPG par exemple, ces entreprises sont devenues une lourde charge pour l’Etat qui se trouve dans l’obligation de leur accorder des facilités pour qu’elles poursuivent leurs activités.
La seconde conséquence est liée à leurs difficultés financières et qui les empêchent d’investir et par conséquent d’augmenter leurs capacités productives et d’appuyer et d’accompagner le développement de notre économie.
La troisième conséquence concerne la protection apportée à ses entreprises ou à ses secteurs qui crée des situations de rente qui a un effet négatif sur les consommateurs.
Un plan national pour la restructuration des entreprises publiques est plus qu’une urgence aujourd’hui.
Quelles réformes préconisez-vous pour ces entreprises ?
Je crois qu’il est nécessaire d’établir un plan stratégique de restructuration des grandes entreprises publiques. Ce plan doit définir l’orientation future de notre politique dans ce domaine et faire des choix stratégiques. Il faut définir les critères qui nous permettent de classer les entreprises selon leur importance pour notre économie et le rôle futur que l’Etat devrait y prendre.
Plusieurs pistes peuvent alors se présenter et plusieurs directions dont notamment le maintien de certaines entreprises stratégiques dans le giron de l’Etat après avoir opéré une restructuration, pour d’autres il faudrait peut-être ouvrir le capital à des participations privées afin de donner à ses entreprises les moyens d’investir mais également d’opérer des changements nécessaires dans le management. On peut envisager la privatisation de certaines entreprises qui n’ont pas un rôle stratégique.