La gestion des déchets dangereux en Tunisie: Une préoccupation majeure

La gestion et l’élimination des déchets dangereux constituent actuellement une préoccupation majeure en matière de protection de l’environnement pour de nombreux acteurs de la scène socio-économique tunisienne. Cette problématique représente, pour le pays, une des actions prioritaires parmi les axes du développement durable.

La Tunisie a déjà mis en place un programme national de gestion des Déchets Industriels Dangereux (DID). Ce programme a connu un début de réussite avant l’arrêt de l’installation de Jradou puisqu’il a permis de traiter 12.000 tonnes de DID selon les techniques contractuelles standards en 15 mois avant sa fermeture suite aux événements survenus en 2011.

Les industriels producteurs de déchets dangereux se trouvent dans une situation critique: La seule solution qui se présente à court terme est le stockage de ces déchets dans des espaces limités en majorité. Ceci nous conduit au spectacle désolant auquel nous assistons à l’intérieur comme à l’extérieur de nos sites industriels. Certains industriels font des efforts de recyclage ou de valorisation de leurs déchets, mais cela reste insuffisant et la recherche de solutions satisfaisantes dans ce domaine n’est pas assez avancée.

Sur le plan juridique, depuis 1996, la Tunisie a publié la loi sur la gestion des déchets (loi n°96-41 du 10 juin 1996, modifiée par la Loi n° 2001 – 14 du 30 janvier 2001). Plusieurs textes d’application ont suivi. Pour les déchets d’activités sanitaires, respectivement, en 2008 et en 2012, un décret et un arrêté ont concerné les modalités de gestion et le manuel de procédures. Par ailleurs, des normes ont été publiées en 2015 concernant les déchets d’activités sanitaires.

Volet structures, outre la création de l’Anged, des structures opérationnelles de gestion des déchets ont été créées (transport, centres de collectes et de traitement, …). Cependant, depuis plus de cinq ans, certains problèmes ont vu le jour et ont pris de plus en plus d’ampleur.

Les quantités produites de déchets industriels sont assez importantes, à savoir :

  • Les déchets industriels dangereux (DID) : les DID générés sont estimés à 150.000 tonnes/an, dont 12.000 tonnes/an étaient traités avant la fermeture de Jradou. Ceci sans compter les déchets de phosphogypse, évalués à 5 millions de tonnes/an et relevant de la responsabilité du Groupe Chimique Tunisien. Ceux-ci sont stockés ou rejetés en mer.
  • Les déchets d’activités de soins (DAS) : le gisement des DAS est estimé à 16.000 tonnes /an dont 7.000 tonnes sont classés dangereux, déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI). Ces déchets proviennent des établissements publics de santé et des cliniques privées.

Le traitement et l’élimination de ces déchets est aujourd’hui non maîtrisé.

L’absence ou le peu de bonnes pratiques (tri, stockage, enlèvement,…) chez les industriels producteurs de déchets et le non-respect des réglementations en vigueur pour l’élimination des DID ont un impact grave sur notre environnement et la santé publique. 

La collecte et le traitement des DIB, DAS, huiles lubrifiantes, DID, DIS sont assurés par le privé.
Cependant, des efforts sont à déployer pour répondre d’une manière satisfaisante à la demande d’évacuation et de traitement de certains déchets dangereux. Il est à constater qu’il y a une insuffisance de centres de traitement et de prestataires pour les opérations d’évacuation, notamment pour les régions du centre et du sud. Les producteurs de ces déchets attendent les solutions à leurs problèmes. 

L’absence d’une filiale de traitement des DID constitue un obstacle majeur pour le développement des investissements notamment les investissements étrangers. Etre submergé dans ses propres déchets sans aucune solution abordable ne fait certainement pas l’exploitation d’une installation industrielle profitable.

La priorité doit être donnée à trouver un consensus avec la population riveraine moyennant la mise en place de mesures d’accompagnement pour atténuer les impacts négatifs générés par l’exploitation des installations, et à l’ouverture du centre de traitement de Jradou et des 3 Installations de réception, de stockage et de transfert et relancer la filière de la gestion des DID dans le pays.

W. Mansour