Perspectives économiques de la Tunisie – Octobre 2016

Cinq ans après la Révolution, la performance économique de la Tunisie reste faible, avec une croissance insuffisante pour faire face aux problèmes de chômage, pauvreté et inégalité dans une période où les déficits budgétaires s’accumulent. L’appel récent du président de la république pour un gouvernement d’union a été soutenu par la plupart des partis politiques et de la société civile et suivi par la formation d’un nouveau gouvernement à la fin du mois d’Août 2016. Cette initiative vise à faciliter les goulots d’étranglement politiques et donner une impulsion aux réformes nécessaires à renforcer la sécurité, améliorer l’environnement des affaires et relancer la croissance.

L’économie devrait croître modestement de 2,0% en 2016 grâce à la hausse de l’investissement (4,5%)et de la consommation publique (jusqu’à 10,1%) suite à l’adoptiond’augmentations salariales négociées. A moyen terme, la croissance économique devrait se redresser à 3,0 et 3,7% en 2017 et 2018, respectivement dans un scénario qui combinerait l’accélération des réformes structurelles, l’amélioration de la sécurité au niveau national et régional (notamment un début de résolution en Libye), une plus grande stabilité sociale, et une augmentation modérée de la demande extérieure.

La baisse des recettes fiscales au 1er semestre 2016 ont été compensées par la vente de licences 4G et des transferts de fonds excédentaires détenus par la Banque Centrale. Mais les subventions énergétiques et les transferts nets à la STIR ont augmenté de 0,1 point de pourcentage du PIB. En outre environ 0,6% du PIB ont été transférés à la CNRPS, qui est structurellement déficitaire, pour couvrir ses besoins de liquidités. Globalement, les données de la première moitié de l’année indiquent que le déficit budgétaire pourrait être de 1% point de pourcentage du PIB supérieur à celui initialement prévu au budget (4,6% du PIB) si aucune mesure compensatoire n’est mise en œuvre pour maintenir le déficit structurel inférieur à 4% (indice de référence du nouveau mécanisme élargi de crédit du FMI). A moyen terme, la maitrise de la masse salariale publique et l’élargissement de l’assiette fiscale sont essentiels pour la viabilité budgétaire et créer l’espace pour plus des dépenses d’investissement.

Sur le plan extérieur, le déficit de la balance des opérations courantes devrait diminuer à 7,7% du PIB en 2016, avec la baisse des importations partiellement compensée par la chute des exportations. À moyen terme, la balance des opérations courantes est susceptible de bénéficier de la reprise progressive des envois de fonds et du commerce des services et diminuerait progressivement vers 6,4% du PIB en 2017-18.

Indicateurs macro-économiques de la Tunisie

  2013 2014 2015 2016 (p) 2017 (p) 2018 (p)
La croissance du PIB réel, aux prix du marché constants 2.3 2.3 0.8 2.0 3.0 3.7
La consommation privée 4.2 1.8 2.3 1.1 2.3 3.1
Consommation du gouvernement 6.2 4.2 8.8 10.1 -2.0 3.9
Investissement brut de capital fixe -3.8 1.2 -4.5 4.5 5.0 7.0
Exportations, produits et services 3.5 3.9 -6.8 1.6 5.4 6.1
Importations, produits et services 4.9 2.2 -3.2 3.5 2.1 4.7
La croissance du PIB réel, aux prix des facteurs de production constants 2.6 2.3 0.6 1.5 2.5 3.2
Agriculture -4.0 2.8 9.0 3.2 3.2 3.2
Industrie -0.2 -1.1 -1.6 -6.3 -3.2 -0.8
Services 5.0 3.8 0.5 4.6 4.6 4.6
Inflation (indice des prix à la consommation) 5.8 4.9 4.9 3.9 3.9 3.8
Solde du compte des opérations courantes (% du PIB) -8.4 -9.1 -8.9 -7.7 -7.0 -6.2
Balance fiscale (% du PIB) -7.5 -4.3 -5.5 -4.6 -3.9 -3.7
Dette (% du PIB) 44.5 49.0 53.2 54.6 54.5 53.1
Balance primaire (% du PIB) -5.7 -2.5 -3.6 -2.5 -1.8 -1.8

(p) : Prévisions

Les principaux risques pour les perspectives économiques demeurent le niveau élevé du chômage des jeunes et les troubles sociaux, ainsi que la situation de la sécurité l’échelle nationale et dans la région. Alors que le gouvernement déploie des ressources pour améliorer la situation de la sécurité, les réformes visant à stimuler la croissance du secteur privé et la création d’emplois sont nécessaires pour contrer ces risques. Cela comprend, notamment :

  • l’adoption et la mise en œuvre des règlements pour attirer les investisseurs en améliorant les conditions d’accès au marché, et en évoluant vers une uniformisation des règles du jeu dans tous les secteurs;
  • l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie globale sur la réforme de la fonction publique et des organismes étatiques ;
  • l’amélioration de la gouvernance, y compris la lutte contre la corruption et le maintien de l’élite ; et
  • l’établissement d’un dialogue visant à traiter et résoudre les sources de troubles sociaux, en particulier avec les syndicats.

La lenteur des progrès accomplis sur ces réformes est un risque clé à prendre en compte.

W. Mansour