Révision du barème fiscal : effet positif sur les salaires inférieurs à 1400 D (LF 2017)

« La révision du barème fiscal prévue dans le cadre de la Loi de Finances 2017, a été conçue dans l’objectif de contenir le coût de la généralisation de l’exonération des revenus ne dépassant pas 5000 dinars par an, sur le trésor public », a fait savoir l’expert comptable, Walid Ben Salah, dans une interview l’agence TAP.
Toujours dans la logique de limiter le coût de cette généralisation d’exonération, deux autres mesures ont été inscrites dans la LF 2017, à savoir le plafonnement de la déduction des frais professionnels sur les salaires et le plafonnement de la déduction des intérêts sur les crédits logement. « L’effet combiné des trois mesures, se traduira par une augmentation de l’impôt sur les revenus pour les salariés appartenant à la classe moyenne et plus, tout en améliorant les salaires allant de 500 à moins de 1400 dinars, par mois », précise-t-il.
Plafonnement de la déduction des frais professionnels sur les salaires
Concomitamment à la révision du barème fiscal, la LF 2017 a prévu de plafonner la déduction des frais professionnels de 10% sur les salaires, à 2000 dinars/ an. Ainsi, les revenus dépassant les 20 154 dinars/an verront leurs bases imposables augmenter, ce qui va se traduire par une augmentation de leur charge fiscale ».
Et d’expliquer  » l’application conjointe de ces deux mesures (révision du barème et plafonnement de la déduction des frais professionnels, à 2000 dinars/ an), n’aurait pas d’effet sur les personnes ayant un salaire net actuel de l’ordre de 1400 dinars. Elle aurait un effet positif sur les personnes dont le salaire net actuel est inférieur à 1400 dinars qui percevront une augmentation graduelle progressive grâce à la révision du barème d’imposition. Par contre, les personnes ayant des salaires nets actuels supérieurs à 1400 dinars vont supporter, d’une manière progressive, une charge d’impôt supplémentaire et ce, en raison du plafonnement de la déduction des frais professionnels de 10%, à 2000 dinars/ an « .
A ce titre, l’expert comptable cite quelques exemples, « une personne dont le salaire net actuel est de 500 dinars (soit un revenu brut annuel de l’ordre de 8500 dinars et un revenu imposable de l’ordre de 6 950 dinars), verrait son salaire net augmenter de l’ordre de 32 dinars. Un salaire net de l’ordre de 1400 dinars restera quasiment inchangé.
« Au-delà de 1400 dinars (salaire net), la base imposable dépasse les 20 154 dinars, et on commence à enregistrer des diminutions au niveau des salaires nets. Ainsi, un salaire net actuel de 1 545 dinars, subira une diminution de l’ordre de 7 D, pour s’établir à 1 538 D. Un salaire net actuel de 2000 D, diminuera de l’ordre de 15 D pour s’établir à 1985 D. Un salaire net de 2109 D, diminuera de 20 dinars pour s’établir à 2089 D. Un revenu brut annuel de 60 000 D qui donne un salaire net de 3480 D, subira une diminution de l’ordre de 86 dinars nets par mois, soit 1032 D nets par an ».
Ben Salah insiste, à cet égard, sur le fait que  » les baisses au niveau des salaires nets, sont essentiellement dues au plafonnement de la déduction au titre des frais professionnels ».
Révision du barème fiscal
D’après la réglementation en vigueur, l’imposition des revenus des personnes physiques se fait selon un barème fixé par l’article 44 du code de l’IRPP et de l’IS. Ce barème prévoit 6 tranches de revenus et admet une imposition proportionnelle et progressive, de (0%) pour la tranche de revenus de 0 à 1500 dinars ; de 15% pour la tranche de 1500,001 à 5000 dinars ; de 20% pour la tranche de 5000, 001 à 10 000 dinars ; de 25% pour la tranche de 10000,001 à 20 000 dinars ; de 30% pour la tranche de 20000,001 à 50 000 dinars et de 35% pour la tranche supérieure à 50 000 dinars.
Toutefois, la loi de finances 2014 avait introduit une exonération des salariés ayant un revenu annuel net imposable inférieur à 5000 dinars. Cette disposition a aussitôt, été dénoncée, du fait qu’elle était spécifique aux salariés, excluant toute autre personne ayant d’autres sources de revenus ne dépassant pas la limite de 5000 dinars par an.
Pour pallier à ce problème, « la Loi de finances complémentaire 2015, a généralisé l’exonération de la tranche des revenus nets imposables ne dépassant pas 5000 dinars, à toutes les personnes physiques et ce, pour l’ensemble des revenus réalisés à partir du 1er janvier 2016. Mais en raison de son coût très élevé sur le trésor public affectant les équilibres budgétaires, la loi de finances 2016 a reporté l’application de la généralisation de l’exonération prévue par la LFC 2015, au 1er janvier 2017 ».
Dans l’objectif de contenir le cout de la généralisation de l’exonération, la LF 2017 a prévu la révision de tout le barème, en prévoyant quatre tranches de revenus uniquement et un changement des taux d’imposition. Le nouveau barème prévoit ainsi une exonération de la tranche de revenus de 0 à 5000 dinars, une imposition de 27% de la tranche de 5000,001 à 25 000 dinars, de 30% pour la tranche de 25 000,001 à 50 000 dinars et de 35% pour la tranche supérieure à 50 000 dinars.
Au sujet de cette révision, Ben Salah souligne « nous remarquons ainsi que les tranches de revenus ont été modifiées, mais la borne supérieure est restée inchangée (50 000 dinars). Il importe, à ce titre, de noter que cette borne n’a pas été modifiée depuis 1990. Le maintien d’une borne supérieure faible permettrait de limiter au maximum les effets négatifs de la généralisation de l’exonération, sur le trésor public. Toutefois, il y aura toujours un manque à gagner pour le trésor public estimé à 210 millions de dinars « .
Plafonnement de la déduction des intérêts sur les crédits logement
Toujours pour contenir le coût de la généralisation de l’exonération de la tranche de revenus de 0 à 5000 dinars, la LF 2017 prévoit le plafonnement de la déduction des intérêts sur les crédits logement.
Ben Salah explique « l’article 26 de la LFC 2015 a prévu que les intérêts et commissions des crédits d’acquisition d’un premier logement, dont le coût ne dépasse pas 200 mille dinars sont déductibles en totalité de l’assiette imposable et ce, à partir du 1er janvier 2016. La LF 2017 prévoit de plafonner cette déduction à 5000 dinars/ an. En conséquance, les personnes qui, à présent, payent et déduisent de leurs bases imposables, des intérêts sur des crédits logement, supérieurs à 5000 dinars/ an, auront une base imposable plus importante, ce qui se traduira par le paiement d’un impôt supplémentaire « .
Pour conclure, l’expert comptable, considère que  » conceptuellement parlant, l’augmentation des salaires à travers la fiscalité, n’est pas une bonne chose. Les effets vont se sentir tout de suite au cours des prochaines années puisque les revendications et les négociations salariales vont, de toute façon, reprendre. Or, on ne change pas un barème d’imposition tous les ans. Et la philosophie de tout changement similaire ne doit pas être réduite à un simple calcul de recettes/coûts. Il doit plutôt s’inscrire dans le cadre d’une réforme fiscale globale qui permet de consacrer l’équité fiscale et de maîtriser le niveau de pression à un niveau acceptable et qui doit, en conséquence, prendre en compte plusieurs autres paramètres (évolution des revenus, inflation, épargne, développement de la notion de foyer fiscal, révision des déductions communes qui ne reflètent plus la réalité économique dans le pays et le pouvoir d’achat du citoyen, etc.. « .
Pour mémoire, le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, avait évoqué, dans son discours prononcé le 18 novembre 2016, à l’ARP, avant les débats budgétaires pour l’exercice 2017, la révision du barème fiscal, la qualifiant de profitable aux catégories démunies. Il avait cité l’exemple d’un employé qui touche 500 dinars, mentionnant que son salaire passera à travers cette mesure, à 540 dinars, sans évoquer pour autant l’impact de cette mesure sur les tranches de revenus un peu plus élevés….